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Hélène Lassauge

En forme d’hommage

Classe de Mme Mai

On connaît l’adage de Ahmadou HAMPATHÉ B : « En Afrique un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ».

Je pense à cette affirmation à propos de la mort de Hélène Lassauge et me dit que – au-delà de la transmission orale propre au continent africain -  elle nous concerne aussi. Nos vieillards qui partent emportent tout, y compris une partie de notre histoire. Si on n’a pas pris le temps de parler, de les faire parler, tout est perdu. Quel dommage !

 

Je connaissais Hélène – et René son mari – depuis 1963. C’étaient des voisins, des voisins au sens d’autrefois. En ce temps-là – il n’y a pas si longtemps -, les habitants d’un même quartier se connaissaient, parfois depuis plusieurs générations, ils allaient l’un chez l’autre, se rendaient service, formaient comme une autre famille.

Mon quartier, c’étaient Marius et Marguerite Mathey, la sœur de Marius Madame Didier, Hélène et René Lassauge, Paulette Ballay et sa Mère, Marcel Jaccachoury, sa femme et la mère de cette dernière. Bien sûr, tous ces gens avaient des amis et une famille, qu’on connaissait.

 

Le temps a passé …

      forge Hambert
Sur cette photo la maison Hambert-Lassauge et, au premier plan, le hangar du maréchal-ferrant. Ce hangar a été démoli par René Lassauge en 1953. Document  Françoise Jaccachoury.

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Sur le linteau de la porte d'entrée, on lit : FH 1847 ER, François Hambert et Eugénie Ruffier, les grands-parents d'Hélène.

Lorsque j’arrivais devant Hélène, elle disait : « Alors quoi d’neuf ? ». Ce n’était pas une simple formule. Comme toutes les personnes âgées, Hélène voulait savoir. En échange, elle m’a largement conté le passé, le passé de Champagney.

 

Hélène  - Champagnerote pur jus - savait tout sur tous. Jusqu’aux derniers jours, sa mémoire lui a permis de dire et de raconter. Elle avait une manière personnelle de détailler les évènements, rapportant les paroles de ses personnages comme si l’événement venait d’avoir lieu. Elle racontait toujours avec humour. Même les évènements graves comportaient des moments légers. Elle en riait encore. Si elle avait été une petite femme autoritaire, elle était aussi positive et joyeuse.

 

Hélène était née le 21 juillet 1912 d’Édouard Hambert et de Marie Burcey.

Son père, maréchal-ferrant, était un radical qui « n’aimait pas les curés ». L’arrière-grand-père tenait déjà la forge.

 

Elle eut comme maîtresses Mlle Ducarme à la classe enfantine, puis Mme mairey, Mme Mathivet et, pour le CEP, Mlle Maire. Il y eut un moment Mademoiselle Seautrot qu’on appelait la sauterelle.

 Classe-de-Mme-Mairey-1918---Copie.jpg

La classe de Madame Mairey - veuve de guerre - en 1918. Hélène est au premier rang, en blanc, un noeud dans les cheveux.

Hélène travaillera aux Houillères de Ronchamp aux « grands bureaux ». Elle y allait à bicyclette, rentrait le midi. Il y avait « plein de vélo dans la plaine » preuve du nombre de Champagnerots allant travailler à Ronchamp. Après la fermeture des Mines, René et Hélène feront carrière à l’EDF à Strasbourg. Ils rentraient tous les samedis, à l’origine dans une 203 noire.

Hélène Lassauge 1923-1924

La tante, Marie Hambert fut institutrice à l’école du Magny jusqu’en 1928.

1940

 

En 1940, un avion était tombé au Noirmouchot. Avec ma sœur nous partons à vélo pour voir. Maman dit : « Vous avez bien le temps d’en voir !».

En juin 1940 on était restés sans pain un mois environ. Le 18 juin, on était avec ma sœur Lucienne au coin de chez Mathey (maison Brigand), vers dix heures, faudrait bien aller au pain (au Pied des Côtes), tout à coup on entend pétarader – Oh mon dieu, les voilà ! (les premiers Allemands arrivent à moto). J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.

 

L’arrivée des Allemands, l’après-midi du 18 juin

 

Les gens se cachaient. Un moment on décide d’aller voir sur le devant de la maison, juste à ce moment un camion était contre la maison, le derrière tout contre. Les Allemands nous voient, alors ils partent …

 

 

Helene-Lassauge-1923-1924-copie-1.jpg

 

En 1923-1924. Hélène est la 4ème en partant de la gauche, rang du dessus.

A propos du maire Jules Taiclet

 

Il disait : « Je sais, je connais la loi des vainqueurs ! Aux demandes des Allemands il répondait « Il n’y a pas de paysans à Champagney, c’est un pays d’ouvriers. »

L’Occupation

 

Devant les rations de matières grasses et de pain son père se lamentait : « et puis ce n’est qu’ça ! »

On allait au moulin Verdant à Frahier à vélo, la nuit tombée, avec un sac de grain à faire moudre, en douce, sans lumière, à trois ou quatre. On faisait des gâteaux de pommes de terre. Les feld-gendarmes venaient le soir de Lure à moto.

Les voies de chemin de fer étaient gardées. Un jour papa va du côté de la voie chercher de l’herbe, il a une envie pressante, une sentinelle sur la voie descend à toute vitesse pour se rendre compte.

Son père abonné au « Petit Comtois », en rogne à propos de ce qu’il lisait s’exclamait : « L’est plus Boche que les Boches ! »

Le curé Jeanblanc qui parlait allemand et donc était souvent leur interlocuteur, disait : « Y’a pas moyen de s’entendre avec ces gens là ! »

 

La période des bombardements

 

Fin septembre 1944, les premiers obus tombent. Papa dit : « Ҫa y est, nous y voici ! »

Pendant les bombardements, les Hambert avaient des soldats allemands dans leur cave. Vers la fin, l’un dit : « Oh madame grand fait chier la guerre ! ».

Ils avaient du pain gris. Maman en prenait parfois « voler des voleurs, ce n’est pas voler, c’est récupérer ! »

Le père de Marcel Jaccachoury avait apporté à l’abri chez eux son cheval Bichette.

Au plus fort des bombardements, une demoiselle Syriès  (environ 70 ans) venait au lait chez eux : « Vous n’avez pas peur ? »  - « Oh, j’ai mon Saint Christophe ! »

Il n’y avait pas de lumière. On avait fait une loupiote avec de l’huile de foie de morue.

Une fois une très forte déflagration a traversé le couloir de la maison. Papa dit : « On est trop vieux pour être démolis. »

 

Le jour de la Libération par les Français

 

Tôt le matin, des Allemands descendent dans la cave, ils leur disent : « Alles partis ! ». Plus tard dans la matinée, la mère de Paulette Ballay  qui se coiffait dans la descente de l’escalier de la cave qui est à l’extérieur, voit quelques soldats approcher. Elle dit :

-      Hep, hep !

-      - Qu’est-ce qu’il y a ?

-      Je crois bien qu’en voici.

Les soldats français montent la route en file indienne.

Aux soldats français, on ne leur disait pas yes, ni oui, mais ja par habitude.

 

A suivre …

Tag(s) : #Histoire locale
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