A Champagney autrefois
Les Mozer au Chevanel vers 1908, aux mûres semble-t-il (voir les bidons que portent les femmes). A remarquer, à gauche, la colline du Bermont cultivée.
Comme partout ailleurs, à Champagney le langage est parsemé de particularités locales. C’est par exemple ce verbe voir devenu anachronique : Attends voir ! Ecoute voir ! Travaille voir plus vite ! Regardez voir ! Qui peut devenir si vous n’avez pas regardé assez tôt l’amusant mais somme toute logique Si vous aviez voir vu !
Ce langage, c’est aussi un accent franc‑comtois avec ses originalités. Comme ce son oi typiquement rural, voire caricatural dans C’est moué ! ou encore le e muet disparu de Besançon (Bsançon) ou de Vesoul (Vsoul).
Ces particularités et cet accent n’auront plus rien de surprenant si on les associe à leur contexte originel : le patois.
On peut réellement parler d’un patois local tant il est reconnu qu’il existe une multitude de parlers comtois avec cependant assez d’analogies entre eux pour que les paysans se comprennent partout.
Presque complètement disparus des villes à la fin du XIXème siècle, les patois restèrent d’un usage courant dans les campagnes les cinquante premières années du XXème siècle. Langage naturel au sein des familles et entre les anciennes générations, s’il est encore compris des personnes nées entre 1920 et 1940, celles‑ci seront les premières à en abandonner l’usage continu au sein de leur propre foyer.
La Franche‑Comté ayant toujours été ouverte, à cause de sa position géographique, à toutes les influences, ses parlers sont très mélangés. De plus, inévitable lieu de passage lors des invasions, ils ont été enrichis d’inévitables emprunts. Ces remarques sont vraies pour Champagney et ses alentours. Ainsi notre patois contient‑il un certain nombre de mots allemands ou suisses apportés par des voisins ou des immigrants. Mais, comme la plupart des patois comtois, la plupart des mots dérivent directement du bas latin parlé par le peuple dans le Haut Moyen‑âge.
Enfin on ne peut négliger l’apport à toutes les époques (La Franche‑Comté devient française en 1678) du français. En fait, d’après les spécialistes, il semble que l’influence française soit récente car liée au développement du réseau routier de la deuxième moitié du XVIllème siècle.
Le patois de nos ancêtres ainsi constitué, fortifié et utilisé vécut sa vie jusqu’au XXème siècle grâce à la géographie de notre contrée, pays de moyenne montagne à l’habitat dispersé, éléments favorisant une existence en vase clos et donc, indirectement, la conservation de la langue.
Ce sujet mériterait une étude approfondie mais difficile. Le lexique qui suit n’est qu’une illustration de ce qui fut le parler de nos Anciens. Il est divisé en deux parties : un lexique d’expressions purement locales (non exhaustif) qui montre bien que le patois est étroitement lié à des traditions, à une manière de vivre, de penser et de travailler ‑ qu’il est un fait historique ‑ et un autre d’expressions régionales. Chacun y reconnaîtra des éléments pas toujours si éloignés de nous.
PATOIS DE CHAMPAGNEY
Brame : tendre
Loignes : perches de bois coupé
Herdgie : haie
Martchie au martchou : battre le grain au fléau
Charpigne : panier à bois
Louêchun : le goûter des bêtes
La levâ : le compost
Echappâ ébrayie : laver le linge
Chézeau : terrain à bâtir
Trémigie méteil (mélange seigle et blé qui produit un pain un peu plus blanc)
Boisot : fromage blanc
Sarâ : lait pris avec de l’ail
Salade de tocons : gras double
Bieuffies : pommes de terre trop cuites
Ène reutie : une tartine
Vêprela (de vêpres) ou nounaz : le goûter
Resignâz : collation apès la veillée
Meurotte : sauce
Agrô : amer (du français aigre)
Chauvaie : demi‑litre
Broco : purée sans lait
Pépet : purée avec lait
Agrun : choucroute fermentée
Totchaie : gâteau
Cugneu : brioche de Noël
Farignie : toile d’araignée
Sevré : le front
Chêvesis : l’oreiller
Orchondaie : l’arc en ciel
Echtiboyné : serré au ventre
Elude : l’éclair
Cromoeille : la crémaillère
Evouarbée : une fugue
Ène pouètche : une louche
Commoèdge : le rhume
Etchwouena : éternuer
Tenailleure : avoir la tête qui tourne
Sûr : aigre
Porpoillot : le papillon
Borlibot : le champignon
La laurie : la gaieté
Echolons : les noix
Lusumé : usé jusqu’à la corde
Reintri : ridé, ratatiné
Leire : trier les lentilles
Liveure : faible
Egeoreure : quelqu’un qui a toujours froid
Mignajon : câlin
Chapuger : couper n’importe comment
Pauter : écraser
Pô : le cochon
Les maladiottes : les convulsions (enfants)
Cronniotes : barres de bois placées dans l’âtre, pour sécher le lard
Avoir les allombrottes : voir mal
Se champoyer : flirter
Aujon : logis sale, mal tenu
Cromoyot‑cropé : pissenlit sauvage
Foulletot : tourbillon, coup de vent
Covanâ : grotte, cavité
Les tatieux : les derniers à se mettre au travail
Brinquin : quelqu’un qui commence tout et qui ne finit rien
En riole : à la noce
Pas cueuche : pas délicat
Les louvres : la veillée
Les racontottes : propos, histoires de veillée
Les fiômes : contes, blagues
Evageorâ : éparpillé
Faire ses mâchots : faire ses quatre volontés
Beuillot : une lucarne
Echorues : traces sur le visage, coulures de peinture
Tocons : morceaux de tissu utilisés pour rapiécer les vêtements Premie temps : le printemps
Darie temps : l’automne
La patchie fue : le retour du printemps
Renvichni-ritouri : guéri
Récotza : vomir
Euqualles : des gens qui ne savent pas quand partir (de chez vous)
Avoir les barbes : maux dans la bouche
Conche : mangeoire
Affautir : priver
Côreille : causeries tard le soir
Blaude : blouse
Badjaie : bavard
Peuchtume : du pus
Theumer : à la cuisson, se répandre sur le fourneau
Rembeuyer : remettre ça (boisson)
Un vâ : un cercueil
Avouêche : intrépide
Le liso : le gui
Le brochot : le buis
Le boube : le garçon
la muniotte : la fille
Rogar: bègue
Moitan : milieu (du français moitié)
Aque : quelque chose
Breûlie : châtain (du français brûlé)
Casavaque : veste (du français casaque)
Edjoreure : frileux (du français geler)
Gelenne poule (du latin gallina poule)
Kien : oncle (du comtois onkiot oncle)
Kaiyot : écuelle
EXPRESSIONS LOCALES
Beau faire : beaucoup, assez
Beuiller : écarquiller les yeux, porter un regard envieux
Un beuillot : un œil de bœuf
Boquer : embrasser
Un boquot : un baiser
Bottet : un petit garçon. On dit aussi d’un homme fort qu’il es « bot ». Un bot est encore un crapaud
Boubot ‑ boubotte : jeune enfant, garçon, fille
Bouriauder : bousculer
Cheni : poussière, chose sans valeur
Chouiner : pleurnicher
Daubot, daubotte : simple d’esprit
Faire la glorieuse : faire la fière
Plumon : édredon
Frelée : une flambée
Une frelade : un bon feu dans la cheminée
Gaupé : se dit de quelqu’un mal habillé
Une gens : une personne
Glinglin : le petit doigt
Goumer : se préparer doucement, incuber
Gourbi : pièce malpropre, en désordre
Grebi : plein, rempli
Gueguelles : choses très petites, noms affectueux donné aux petites filles
Jus : café
Léchotte ‑tranche très fine
Mignot : câlin, chéri
Mûrie : sale bête
Rancuser : dénoncer, médire
Rebeuiller : observer
Taugnée : une bonne « taugnée » est une volée de coups
Tire au cul : paresseux
Topette : petite bouteille. Vient probablement de la tradition de boire un coup lorsque deux paysans tombent d’accord et disent « tope‑là » en se frappant les mains.
Tosser: téter pour un bébé, mais aussi se saouler pour un ivrogne.
Tranché : le lait quand il est caillé
Tronche : bûche. On dit « la tronche de Noël »
Truerie : cochonnerie, vient de truie
Il va faire du temps : du mauvais temps, pleuvoir ou neiger
Tiqueler : actionner la « tiquelette » (poignée de porte)
Verrine : pot à confiture
Toquer : heurter, frapper
Zozotte : personne un peu simple
Sentibon : du parfum
Tacon : réparation grossière à un vêtement
Rapailles : des broussailles
Rapondre : rattacher, réassembler (en couture)
Rattirer : attirer à nouveau, faire revenir
Se recroire, se croire : être vaniteux
Rattrouper : rassembler, regrouper
Argonnier : individu peu recommandable
Arranger : s’occuper des bêtes à l’écurie
Avoinée : une correction infligée à quelqu’un
Bacul : petite cabane de charbonnier, par extension tout appentis abritant du bois.
Calandeau : vieux cheval
Caillon : désordre, saleté
Brimbelle : myrtille
Beutchot : billot
A la revoyotte : au revoir
Cancouaille : femme bavarde, rancunière
Champoyer : pâturer dans le champois, en liberté et sans surveillance.
Le champois : l’espace communal où les animaux peuvent brouter.
Chapuser, chapuger : tailler
Commerce : affaire compliquée
Qué commerce ! : désordre.
Débourrer : sortir très vite
Dédevenir : dépérir, perdre du poids, de la vigueur
Fier : aigre, acide
Joumer : mousser (d’un liquide)
Peut, peute : laid, vilain
Gougloufe : gâteau alsacien
Graillot : il n’y en a pas graillot, pas beaucoup
Piouner : rouspéter, réclamer, se plaindre
Ploufer : éliminer un partenaire à la fin d’une comptine
Gouape : ivrogne
Depuis le clocher en 1905, au premier plan la maison Pautot, puis l'hôtel du Commerce, à droite le "château Courant" (photo Mozer).
Une série de photos prises entre 1900 et 1914 à Champagney. Familles Mozer, Lejeune, Lacour, Petitgirard, Démésy le 24 juillet 1907 - non localisée La communion d'Albertine Mozer le 6 juin 191...
http://jacquotboileaualain.over-blog.com/2014/01/champagney-photos-mozer.html