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Champagney
 
J'ai écrit la nécrologie de Micheline Marsot pour l'Est Républicain.
 
Voici un hommage plus personnel (Je remets ladite nécrologie en fin de publication).
Dessin d'Alexandre Morgan dans "Simon & Hans" (Publié sur mon blog).
 
Micheline, indépendante et droite
 
 
J’ai bien connu Micheline Marsot envolée le 9 septembre 2023. Le 9 septembre, la Saint Alain ! Au sein de la Maison de la Négritude & des Droits de l’Homme, elle fut de ceux qui n’étaient pas sur les photos – ou alors derrière - mais sans lesquels rien ne peut prendre forme, rien ne peut exister.
Amie du couple André et Marie-Thérèse Olivier qui ont tenu à bout de bras la Maison de la Négritude pendant quelque trente années, Micheline était sollicitée par sa condisciple Marie-Thérèse dès qu’un grand évènement survenait. Et Dieu sait qu’à partir de 1980, il eut de grosses manifestations : Bicentenaire du Vœu, inauguration de la nouvelle Maison, sorties philatéliques, cent cinquantenaire de l’esclavage, messes télévisées, salons à l’extérieur, banquets … Et j’en passe.
J’ai vu Micheline à l’ouvrage : sens pratique, dévouement, force de proposition, sans oublier un pouvoir naturel pour désamorcer les tensions. Elle apportait de l’équilibre au caractère plutôt entier de Madame Olivier. Elles s’aimaient évidemment.
André, quant à lui, était cool et se laisser porter par les évènements. Micheline œuvrait avec le sourire et son humour me ravissait.
Micheline avait aussi été de l’aventure, avec le même entrain et les mêmes qualités, de la restauration du carillon de Champagney qui aboutit en 1985. Sa petite-fille Julie sera marraine d’une des nouvelles cloches engendrées par l’extension de l’instrument, cette cloche s’appelle Pierrette-Julie.
Lorsque dans les années 1990, je me mis à travailler sur la période 1900-1950 de l’histoire de Champagney, un demi-siècle qui me permettait d’avoir parmi mes sources le témoignage de personnes ayant vécu ces années-là, Micheline fut l’un de mes témoins les plus intéressants, les plus prolixes. Elle avait une mémoire affûtée et précise. Elle m’a beaucoup apporté : des anecdotes et des histoires sur le temps de l’école, sur le quotidien – la situation stratégique de ses parents cafetiers au centre de Champagney apporta beaucoup d’autant que l’endroit était aussi l’arrêt du tacot –, puis sur les temps sombres de l’Occupation et de la Libération. Elle a souvent complété son témoignage par des courriers accompagnés de photos et de documents. Lorsqu’elle racontait, c’était riche, vivant, comme si cela venait d’avoir lieu. Elle faisait revivre le passé et les gens joyeusement et il y avait souvent matière à rire. Mais pas toujours ! Sous-les-Chênes, elle fut voisine de la famille Lévy, les seuls Juifs arrêtés par les gendarmes de Champagney. Souvenirs et photo … En 1944, elle avait 16 ans. Le 19 novembre, jour de la libération du village, elle dit aux premiers soldats français qu’elle rencontre : « Vous avez tout démoli ! Mais pourquoi vous n’êtes pas venus plus tôt ? »
J’ai placé cette scène dans mon livre « Simon et Hans ». Je mets ces paroles dans la bouche de mon personnage Simone. Là, Simone c’est Micheline :
« Les gens sortaient enfin de leur cachette, s’interpellaient. On entendit même des cris de joie. C’est alors que Simone, réalisant tout à la fois que leur terrible épreuve venait de prendre fin et que tout cela avait été trop injuste, se précipita au devant du premier de ces gaillards.
Elle l’apostropha, criant presque :
- Regardez, vous avez tout démoli ! Mais pourquoi vous n’êtes pas venus plus tôt ?
Surpris d’être ainsi pris à partie, ne trouvant pas la bonne réponse, les soldats poursuivirent leur marche laissant la jeune fille en larmes sur le bord du chemin. »
Micheline était une combattante, ce qui, j’en suis sûr, ne l’aura pas empêché de souffrir. La connotation péjorative de l’expression « fille-mère » suffit déjà à imaginer les difficultés du quotidien de ces mamans-là dans les années cinquante, qui plus est à la campagne. Je l’imagine d’autant plus facilement que dans mon histoire personnelle un scénario semblable m’a fait porter le nom de ma mère.
Micheline n’avait que faire de la normalité. Elle fut une femme fière, indépendante et forte.
Agée, elle était restée la même. Attachée à son village natal et à son histoire tout en étant curieuse du monde et furieusement moderne. Abonnée au journal local et au Canard Enchaîné, elle n’avait rien d’une vieille femme fatiguée et désabusée. Elle est restée droite et à la barre ne subissant aucune contrainte jusqu’à la fin.
 
 
Micheline Marsot, la mémoire de l’histoire du village
 
 
Micheline Marsot est décédée le 9 septembre à l’âge de 94 ans. Elle était née le 25 septembre 1928 au foyer de Thérèse et d’Emile Marsot qui tenaient un café au centre de Champagney. Avec elle disparaît la mémoire de l’histoire de Champagney. Micheline après le Cours Complémentaire étudiera à l’Ecole Normale de Besançon puis à l’école Pigier. Elle sera secrétaire à l’entreprise Gondrand de Belfort puis chez Socolest à Valdoie jusqu’en 1984, année où elle s’installera à Luxeuil. Son fils Dominique est né en 1954. Elle fut très impliquée dans la restauration du carillon de Champagney en 1985 et très active au sein des Amis de la Maison de la Négritude. Micheline était dynamique, efficace, pleine d’humour et savait résoudre tous les problèmes. Elle fut un modèle d’humanité. Si elle savait donner vie à ses récits du temps passé, elle était aussi très moderne d’esprit. Ses petits-enfants Julie et Vincent et ses arrière-petits-enfants Leyka et Nathan furent toute sa joie. Ses obsèques ont été célébrées en l’église de Champagney ce 13 septembre. Toutes nos condoléances.
 
Micheline - En guise d'hommage
Micheline - En guise d'hommage
Tag(s) : #Histoire locale
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