LA COMMUNALE, SOUVENIRS,
MAÎTRES ET MAÎTRESSES
Cahier d'un écolier de Champagney - du 23 mars 1886
Les années passées à
l’école, en particulier celles vécues à l’école primaire, sont parmi les plus importantes de l’existence. Les souvenirs liés à cette époque sont d’autant plus forts pour ceux n’ayant connu que
ce cycle de scolarité, ce qui est bien souvent le cas pour nos Anciens.
C’était le temps des
plumes sergent‑major, du Lavisse, de l’huile de foie de morue, du contrôle de la propreté des mains avant d’entrer en classe et de l’école buissonnière (on disait alors « faire les
renard »). L’objectif premier de cette école était la réunion sans distinction de tous les enfants et leur préparation par l’alphabétisation et le savoir à un avenir meilleur. André
Beurier, né en 1923, précise ainsi les finalités de la Communale : « Dans ces années, l’enseignement primaire avait toute l’ambition de
préparer avantageusement les enfants à une vie active qui commençait à douze ou treize ans. C’est seulement en 1936 que la scolarité a été obligatoire jusqu’à quatorze ans. Dans une école comme
celle-ci (l’école du Pied‑des‑Côtes) où le couple d’instituteurs savait se concerter, savait rencontrer toutes les fois que c’était nécessaire les
parents et dialoguer, le coefficient intellectuel était utilisé au mieux et les enfants, même les plus faibles quittaient l’école avec le maximum de connaissances. Pour ceux qui rentraient de
suite en vie active, c’était très bien et pour les quelques privilégiés qui allaient en secondaire, ils étaient bien préparés. »
(Témoignage recueilli
en août 1996).
Classe de Georges Frechin en 1918
De gauche à droite et de haut en bas
1 – Jules Bresson, Lambelin - ? – Hambert, ? , ? , Sarrazin, Baumgartner, ? , Taiclet (Toto),
Paul Peroz
2 – Jean Gousset, Henri Haas, René Simonin, André
Stiquel, Amet, ?, Pierre Jacquey, ?, ?, Edmond Mozer « Chapot »
3
– Pierre Lalloz, ?, Labbaye « Cochette »,Gable, ?, Mathey « Matador », Maurice Couturier, ?, André, Jean Doll, ?, Jean Voinson, Mettetal
Nous avons vu l’effort fourni par
les municipalités successives de Champagney, dès le milieu du XIXème siècle, dans le domaine de la construction et de l’amélioration des bâtiments scolaires. L’esprit républicain et une forte
natalité en sont les causes principales. On compte, par exemple 120 naissances en 1902 (65 garçons pour 55 filles) et en 1929 pour une population de 3500 habitants, il y a 450 élèves répartis
sur seize classes. (En 1996, pour quinze classes, on comptait 322 élèves et 3283 habitants, il y en a 423 en 2013 pour dix-sept classes et près de 3800 habitants).
Il faut, dans cette
histoire, considérer deux éléments : la pédagogie qui subit l’influence de la personnalité des maîtres, et les réalisations fruits des choix municipaux. (Les archives scolaires étant quasi
inexistantes, tout ce qui est dit ici provient de souvenirs ou de sources indirectes, photos par exemple).
Avant 1914, il y a
trois instituteurs à l’école des garçons du Centre : Monsieur Soyard pour les petits, Monsieur Rousselot pour les moyens et le directeur Émile Beluche qui prépare au certificat d’études et au
brevet élémentaire. Celui‑ci habite le logement de fonction de cette école (côté pompiers) et héberge, comme c’est alors l’usage, ses adjoints. On relève encore pour cette période les noms de
Messieurs Coquard et Cordier.
Du côté
de l’école des filles, on l’a déjà dit, ce sont les demoiselles Girardin qui œuvrent depuis bien longtemps déjà : Laure (décédée
en 1930) s’occupant des petites filles et Constance (décédée en 1952) son aînée, titulaire du brevet supérieur, ayant en charge les grandes élèves. Déjà à l’ancienne école des filles vers la
cure, leur mère qui partageait leur existence, participait à la surveillance. A partir de 1907, elles logent dans l’aile sud de la nouvelle école des filles.
En 1914 tous les
hommes sont mobilisés, dont les instituteurs. C’est une demoiselle Seautrot qui remplace le directeur. De jeunes remplaçants se succèdent ayant plus ou moins de mal à se faire obéir. Le maire
du moment, Jules Décey, instituteur en retraite, descend souvent de sa mairie faire la morale dans les classes.
En 1915, Mademoiselle
Seautrot présente quatorze élèves au certificat d’études. Monsieur Mairey ainsi que trois élèves‑maîtres ayant remplacé leurs aînés à Champagney au début du conflit, sont tués au front (Il
s’agit de Marcel Coquard (1895‑1916) né à Paris, Fernand Frechin (1898‑1918) né à Champagney, Henri Simonin (1898‑1918) né à Saint‑Germain. Georges Mairey (1888-1915) était, quant à lui, de
Saint‑Barthélémy). Le directeur Beluche retrouve sa classe après le conflit, il est encore à Champagney en 1922. En 1919 arrive Eugène Mathivet qui épousera sa marraine de guerre, institutrice
à Champagney, Jeanne Frechin.
Classe de M Ernest Ploye en 1921
De gauche à droite et de haut en
bas : Robert Sarazin, René Lambelin, André Boffy, Edmond Mozer, Henri Haas, André Dupré, René Vuillemey, René ou Henri Zeller, Jean Gousset, Monsieur Ernest Ploye, Grisey
« Macapoix », René Bertin, Marcel Mougenot « le Galibot », Camille Boileau, André Gable, Jean Doll, Raymond Frechin, Gaston Ploye, Maurice Couturier, Pierrot
Jacquey
Après
guerre enseigneront également chez les garçons, Ernest Ploye puis, Aimé Cachot qui arrive en 1923. Celui‑ci épousera aussi une institutrice de Champagney : Berthe Gousset. Vers 1925, on
rencontre le couple d’enseignants Besanceney. A la fin des années vingt, Robert, fils d’Ernest Ploye, est nommé à Champagney (son épouse, nous l’avons déjà dit est également institutrice à
Champagney), puis dans les années trente les couples Mouillon (jusqu’en 1945), Quillery et Burcey (jusque vers 1960 ‑ Mesdames Quillery et Burcey étaient sœurs). Certains de ces enseignants poursuivront
leur carrière au cours complémentaire.
En 1939, une
demoiselle Mourot remplace Monsieur Quillery mobilisé, Monsieur Burcey étant quant à lui remplacé par Ernest Ploye alors retraité.
A l’école des filles
on rencontre pendant la guerre de 1914‑1918 Madame Mairey (donc veuve de guerre) et Jeanne Frechin (jusqu’en 1923). Après guerre les institutrices sont : Mademoiselle Maire (décédée en 1927),
Mademoiselle Bigey et Berthe Cachot (le couple Cachot quittera le Centre pour l’école d’Eboulet en 1932).
Dans les années trente
enseignent à l’école des filles : Mesdames Besanceney et Miellet, Mesdemoiselles Louise Toillon (directrice), Marchandot, Grosjean (décédée en 1934 à l’âge de 21 ans des suites d’une maladie).
Madame Clerc sera directrice jusqu’à son départ en retraite en 1939 et sera remplacée par Mademoiselle Petit. Le couple Miellet quittera Champagney en 1937. Il ne faut pas oublier pour toutes
ces années, trente et quarante, Andrée Quillery ainsi que Madame Burcey. A la rentrée de 1948 Madeleine Vaulot remplacera Mademoiselle Petit à la direction et Edmée Hell arrivera en
1948.
Vers 1930, Monsieur
Miellet est directeur à l’école de garçons, son épouse intervenant au cours complémentaire. Celui‑ci ainsi que le cours moyen sont alors situés au rez‑de‑chaussée de l’aile est de la mairie et
le couple Cachot loge à l’étage.
En juin 1938, la
mairie demande la création d’une troisième classe pour les garçons. On compte en effet cette année là, 64 élèves dans la première classe (CP/CE) et 39 dans la seconde (CM/CPE). (Cette demande
sera renouvelée en août 1945).
En 1929 a lieu le
changement des tables. André Beurier se souvient de cet évènement important pour les élèves : « ... C’est le grand chambardement : on en lève
les grandes tables qui pouvaient tenir six ou huit élèves. Si celui du milieu voulait sortie, il fallait que les autres quittent leur place, il était défendu d’escalader le dossier. On les
remplace par des petites tables à deux places … »
En
ce temps là, l’instituteur est craint et le vouvoiement dans les grandes classes est de rigueur. L’étude du soir, payante, est le prolongement logique de la journée. Les punitions sont
acceptées : « Monsieur Lombard était un homme très sévère qui savait manœuvrer la baguette de noisetier. Mais dans ces temps-là c’était de rigueur et je pense que les indisciplinés qui
étaient corrigés n’allaient pas s’en plaindre à leurs parents car ceux-ci, bien souvent, auraient doublé la mise. Les temps ont bien changé … » André Beurier qui évoque ainsi son premier
maître, se souvient encore du second : Monsieur Faivre : « ... Sa punition était surtout des conjugaisons : huit ou seize temps d’un
verbe à une ou deux conjugaisons par phrase. Par exemple ‟Je ne dois pas m’amuser quand le maître explique
une leçon. ”
J’ai vu donner dix à vingt problèmes à aller lui
présenter le dimanche à seize heures. »
On peut être retenu
pendant le temps de midi. Monsieur Cachot descend alors un morceau de pain au puni. Pendant la première guerre, Édouard Hambert dut porter du pain à sa fille retenue après 11h30. Madame Toillon
emmène après la classe, les élèves en retenue chez elle et Madame Cachot envoie les dissipées dans la classe de son mari entraînant la honte suprême : se retrouver seule au milieu des garçons
moqueurs.
En 1946
de gauche à droite et de haut en bas
1 -Michèle Griswar, Charlotte Paoli, Simone Taiclet, Monique Syriès,
Huguette Ramstein
2 – Claudine André, Madeleine Berche, Hélène Péquignot, Paulette Plaisance, Paulette Lavhise, Josette Bouvier, Renée
Gousset
3 – Camille Démésy, Jacqueline Champagnole, Jacqueline Pautot, Huguette Henry, Bernadette Valquevis, Paulette Henry, Ginette
Canini, Jacqueline Parisot
Avant la guerre de 1914, on allait à l’école généralement en sabots,
l’hiver la neige s’y glissait (Les sabots feront un retour en force pendant l’occupation, pénurie oblige. Les enfants mettaient des chaussons avant d’introduire le pied dans le sabot). Gaston
Didier reçoit sa première paire de souliers à l’occasion du certificat d’études en 1915. Le fameux tablier apportait une uniformité qui cachait la misère.
Pendant toute cette période se
trouvait à l’emplacement de l’aile construite en 1938 un énorme noyer. Cet arbre a largement marqué les esprits, par sa taille et par ses fruits : « Il a fait du vent cette nuit, on va aller à l’école de bonne heure pour ramasser des noix. » Et c’était à qui arriverait le premier. C’était encore
le temps du contrôle de la propreté des mains avec l’obligation, pour les doigts tâchés d’encre, de descendre dans la cour pour se laver les mains à la pompe. Seule solution pour atténuer ces
taches violettes : frotter les doigts sur la pierre de l’auge. C’était aussi la joie de rentrer les fagots et le bois pour l’hiver (dans l’actuelle chaufferie). Au chapitre de ces corvées
effectuées de bonne grâce, il faut ajouter le balayage des classes le soir après l’étude. Deux élèves étaient nommés pour cette tâche à laquelle il faut joindre l’époussetage puis l’allumage du
feu le matin, ce qui nécessitait d’arriver à l’école une heure avant les cours. Sur ce sujet les parents se plaindront en 1933 : « Un certain nombre de parents du Magny ne consent plus
à ce que leurs enfants participent au balayage de la classe. Mêmes réclamations verbales ont été faites aux écoles de filles du Centre, ce qui avait déterminé en attendant une décision, à
employer provisoirement deux chômeurs à ce travail. (Délibération du conseil municipal, 30 septembre 1933). Le maire décide alors de supprimer les fournitures scolaires gratuites afin de couvrir
les frais occasionnés par le nouvel emploi à créer.
Le cahier du jour de René Lamboley commencé le 5 février 1918
Autrefois les cours avaient lieu de
huit heures à onze heures et de treize heures à seize heures. Les vacances s’étendaient du premier août au premier octobre, puis dans les années vingt, débuteront le treize juillet.
La grande affaire de toutes ces années reste le certificat d’études primaire (CEP). On le passait généralement à l’âge de douze ans. Le maître préparait ses
poulains spécialement pour cette épreuve. Il est reconnu qu’outre la réussite personnelle des élèves, le prestige de l’enseignant était lui aussi en jeu. André Beurier est très clair sur ce point
lorsqu’il écrit, en évoquant Monsieur Faivre : « … Son orgueil lui faisait trier ses élèves pour le CEP et il ne présentait jamais de candidat sans
être sûr de la réussite. Il n’a jamais connu d’échec au Pied-des-Côtes. Il n’hésitait pas à prolonger l’âge scolaire au-delà de la limite … » En 1938, Marcel Grandhaye, l’épicier
d’Eboulet, conduit en voiture à Champagney les trois élèves sélectionnés par Monsieur Cachot.
C’était l’angoisse pour tous et pour
cause. Pendant la première moitié de ce siècle le CEP était pour la grande majorité des écoliers l’unique sanction de leur savoir. L’obtenir était vécu comme le terme du cycle normal d’éducation,
la fin de l’enfance. Les plus brillants et les plus fortunés se dirigeaient vers des études complémentaires, les autres retrouvaient l’exploitation familiale ou découvraient le monde du travail.
Dans beaucoup de foyers, le précieux diplôme rejoignait, encadré, à la place d’honneur, le brevet de service militaire et la photo du frère aîné tué en Champagne en 1915.
Après le succès, c’est le soulagement
et la joie, Les plus chanceux ont droit à un cadeau : la montre achetée chez l’horloger Boillat par les parents ou la marraine, le livret ouvert à la Caisse d’Épargne (quarante francs en 1938).
Les lauréats agrafent une petite cocarde tricolore à leur vêtement. En 1924, le certificat et la communion ayant lieu la même semaine, les enfants ornés des trois couleurs, dans la foulée de leur
succès à l’école, vont le soir à la Salle Jeanne d’Arc terminer leur préparation à la communion. Le curé Gaillard, à la vue de l’insigne tricolore et républicain est pris d’une telle colère qu’il
exige sa disparition ...
Aimé Cachot organise une petite fête à
l’école d’Eboulet en l’honneur des élèves qu’il a conduit à la réussite. Louise Toillon, en juin 1932, pour récompenser ses filles et clore sa carrière leur offre une journée à Lepuix‑Gy avec
déjeuner au restaurant et escapade au Saut de la Truite.
En ce temps là, les maîtres sont donc
sévères et se veulent efficaces. On a beaucoup glosé sur cette efficacité et souvent oublié les élèves voués à l’échec (et pour cause ils étaient naturellement casés à l’usine ou à la ferme). Un
rapport de l’inspecteur d’académie daté de 1938 rééquilibre les choses sur le contenu de l’enseignement d’alors : « … Assez fréquemment le ton de la
lecture et de la récitation est morne et chantant … On n’apporte pas assez d’attention non plus à ce que l’on considère comme les matières accessoires : chant et gymnastique, dessin et
travail manuel. Le calcul reste l’objet des préoccupations d’un grand nombre de maîtres … L’enseignement du français, l’orthographe exceptée, n’est pas donné avec la même attention générale. Les
résultats s’en ressentent. Les maîtres préparant au certificat d’études semblent estimer que l’épreuve de calcul et celle d’orthographe sont susceptibles de tirer d’affaire un élève moyennement
doué … » (Rapport de l’inspecteur d’académie présenté lors de la 2ème session ordinaire de 1938 du Conseil général ‑Archives de la Haute‑Saône).
En
1946-1947
De gauche à droite et de haut en bas
1 -Odile Mellet, Jacqueline Marsot, Robert Dirand
( ?), Hacquement, le fils des gérants des « Eccos »
2 – Jeanine Germain (Plancher-Bas), Rachel Bresson, Jacques
Chahon ( ?), Gilbert Roussiaux
3 – Odile Gillet (Plancher-les-Mines), Renée Gousset, Ida Neveu
( ?), Michel Péquignot, ( ?), Jacques Hennequin, René Parisot
4 – André Juif, un fils de gendarme,Raymond Gehin (ou Pierre
Barberot), Daniel Beaume, Gilbert Mertz, Vaxelaire (Plancher-les-Mines), Hosatte, Guilbert Lemercier
5 – René Demenus, Berche, Madeleine Berche, Jacqueline Parisot,
Millotte ( ?), Poivey
Il n’en demeure pas moins que, pour
les bonnes têtes (et quelques autres), le système et l’investissement de ces maîtres a produit des effets remarquables. De plus, la sévérité de ces enseignants n’a en rien terni un souvenir
positif et plein de nostalgie. C’est ainsi que Norbert Sarre brosse un portrait plein d’admiration de son maître Aimé Cachot, un maître rigoureux : « Je n’ai jamais revu des choses pareilles
et j’en garde un souvenir formidables ! » Grâce à Monsieur Cachot, l’école d’Eboulet était dotée d’un équipement scientifique de premier ordre. En sciences naturelles, histoire et
géographie, le maître avait réalisé lui même de nombreuses planches en couleurs qui ornaient les murs de la classe. Des panneaux de conjugaison complétaient un matériel proposé aujourd’hui par de
multiples éditeurs. « Où que l’on pose les yeux, on trouvait de quoi alimenter sa curiosité ou sa quête de savoir. »
Souvent, les maîtres sont d’excellents
musiciens : Monsieur Cachot joue du violon, son épouse de la mandoline. Le soir ont lieu des cours pour les adultes pendant l’étude. Parallèlement à ce rôle d’éducateur, le maître a un caractère
social. Il apporte son savoir et ses compétences à toute occasion, mais plus encore. Par exemple en 1936, à l’heure de la crise, Monsieur Cachot, avant que ne débute la classe, chauffait du lait
pour les pauvres gosses du hameau.
André Beurier, lui non plus, n’a
jamais oublié ses maîtres : « … Le couple Faivre a complètement changé les méthodes ancrées depuis des lustres et l’ambiance a été améliorée. Certes,
comme ses prédécesseurs l’épouse avait la petite classe côté est. Madame Faivre apprenait à lire, écrire et compter, le but étant de préparer les enfants à la grande classe … Elle était très
douce et savait déjà établir la capacité d’études possibles et juger en concours avec son mari le moment de passage en grande classe : sept ans, huit ans, neuf ans … Il y en a même qui n’ont
jamais accédé à la grande classe.
Monsieur Faivre avait une sévère autorité, mais exerçait sa profession avec une compétence réelle … Il
avait beaucoup de contacts avec les parents, leur demandait l’autorisation de sévir quand c’était nécessaire. Les oreilles et les cheveux ont bien souffert et les résultats n’en étaient que
meilleurs. Il ne faisait aucune différence
entre les milieux sociaux. Il donnait des cours gratuits le soir après les heures de classe. Il donnait au moins une séance de cinéma par semaine …
Il avait acheté avec l’argent de la coopérative beaucoup d’instruments divers pour faire des expériences de
sciences et en fabriquait beaucoup. Il nous a même fait fabriquer avec des bouchons en liège et un verre de lampe à pétrole, une pompe aspirante. Il voulait emmener les plus grands des garçons un
jeudi de printemps dans la forêt ou les vergers apprendre à greffer les arbres. Les temps ont bien changé... » Et André Beurrier de conclure ses souvenirs de la Communale sur cette phrase émouvante et qui en dit long :
« Ayant eu avec mon instituteur une amitié indélébile, il m’arrive souvent d’aller m’incliner sur sa tombe. »
La classe de M Donzé en 1947
De gauche à droite et de haut en bas
1 – Gilbert Roussiaux, Trinklin, Serge Syriès, Marcel Hoffmann,
Gilbert Bresson, Trinklin, Roland Lalloz
2 – Michel Taiclet « Totor la Bocca », Bernand
Chipeau, René Valquevis, Jean Lugbull, Gilbert « Couturier « Piton », ?, Serge Lamboley, Nicolas, Le maître
3 – André Graffe, André Jacquot
« Coco », Gérard Houillon, René Demenus, Edouard Py, Bernard Jurot, Gilbert Lemercier, Daniel Caléri
On l’a vu, les municipalités
successives ont beaucoup fait pour les écoles. En un siècle, le patrimoine immobilier s’est largement enrichi. Après 1944, la mairie louera des salles ou des maisons à des particuliers dans
l’attente de la reconstruction ou de la remise en état des écoles. De plus, deux nouvelles écoles verront donc le jour : à Eboulet et à la Houillère.
A côté de ce lourd chapitre consacré
aux constructions, l’école a toujours été une source constante d’investissements en tous genres au premier rang desquels il faut placer le chauffage de tous ces locaux. Par exemple, en mars 1904,
cent trente‑deux stères de bois de chauffage sont prévus pour les écoles et la mairie. En décembre 1905, ce sont cent cinquante stères et quinze fagots pour chacune des écoles qu’il faut faire
livrer. Sur ce même sujet, en novembre 1931 c’est la livraison avant le premier juin suivant de cent stères de bois et de trois cent cinquante fagots qui est décidée.
La même année des grilles de
protection sont posées à tous les poêles des salles de classe. Auparavant, en 1927, a été créé un poste de femme de service à la classe enfantine.
La commune offre les fournitures
scolaires à partir de 1929. Chaque élève recevra pour une année : « trente cahiers, deux crayons, quatre plumes, un porte-plume, un cahier à dessins, une ardoise, encire et craie (deux
francs par élève et par an). Les livres seront fournis à partir de la rentrée de Pâques par voie de remplacement de ceux en service et appartenant aux élèves. » (Délibérations du Conseil
municipal). On demande aux parents de céder à la commune ces livres, d’ailleurs la fourniture gratuite des livres sera refusée dans l’avenir à ceux qui ne le feraient pas ainsi qu’à ceux qui ne
seront pas soigneux. En 1930, il est précisé que toutes ces fournitures seront de provenance française et en octobre de l’année suivante on apprend qu’elles ne sont destinées qu’aux élèves
français de parents habitant la commune. Plus tard, pendant l’Occupation, ces fournitures ne seront plus distribuées qu’aux « indigents » (Délibération du Conseil municipal du 9 mai
1941), à savoir : quatre‑vingts cahiers, vingt plumes, un porte‑plume, un cahier de dessins et tous les livres. Après la guerre (Délibération du Conseil municipal du 20 avril 1946), elles seront
accordées aux enfants dont les familles bénéficieront des allocations familiales et en mars 1947, le conseil municipal décide d’en faire profiter les familles ayant trois enfants d’âge
scolaire.
Le deux novembre 1929 est créée une
caisse des écoles. Ses buts sont définis dans les statuts : « faciliter la fréquentation des classes par des récompenses sous la forme de livres et
de livrets de caisse d’épargne aux élèves les plus appliqués et par des secours aux élèves indigents ou peu aisés, soit en leur donnant, soit en leur distribuant des vêtements et des chaussures
pendant l’hiver et des aliments chauds. »
Bien sûr les instituteurs sollicitent
régulièrement les élus, qui pour acquérir un projecteur, qui pour enrichir sa bibliothèque de classe, qui pour voir sa cour plantée d’arbres... la mairie réagit toujours positivement, quelle que
soit l’équipe municipale.
La personnalité des maîtres, leurs
désirs, leur goût de progrès associés aux contraintes budgétaires de toujours, mais aussi à la volonté des élus champagnerots pour lesquels l’école était, de toute évidence une priorité, ont fait
que les enfants de cette moitié de siècle ont pu étudier dans les conditions les meilleures, pour ce qui fut l’époque de chacun.