Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

En guise d'hommage ...

Jean Perret - Souvenirs souvenirs ...

« Ne change jamais rien, tu seras régulièrement à la mode. ». C'est ce conseil, en forme de boutade, que Jean Perret avait donné au jeune instit que j'étais dans les années quatre-vingt. Et c'est vrai, la Marseillaise et la morale sont revenues à la mode depuis longtemps et on a jeté aux orties, après les dégâts inhérents, « l'observation réfléchie de la langue ». Ce ne sont que des exemples qui prouvent que l'idée d'attendre, avant de se précipiter dans toute nouvelle réforme des programmes, était pleine de bon sens. Le bon sens né aussi de l'expérience ...

Jean Perret naviguait dans l’École guidé par un humanisme teinté d'une dose de philosophie libertaire qui lui valurent les gros yeux de l'administration.

Je suis allé lui rendre visite au Mont-Chauveau, le 24 décembre 2014. Il m’avait dit, ce jour-là, qu’il avait perdu son triple A en matière de santé, mais quand même ! J'étais à cent lieux de penser que je le voyais alors pour la dernière fois. Le mois suivant, il est parti voir ailleurs, si l'herbe était plus verte.

Quelle connerie la mort !

Je l’aimais …

Je garde de lui le souvenir d’un dilettante efficace et paradoxalement carré, celui d’un pessimiste joyeux car plein d’espoir en l’humain ; pessimiste à cause du système, des cadres qu’on nous impose et dont il n’avait que faire …

 

Jean Perret n’était pas bêtement joyeux. En réalité la connerie humaine – celle d’ici qui nous cerne et celle d’en haut qui nous étouffe – le désespérait et le mettait en rogne : rire pour ne pas pleurer …

C’est pourquoi je garde aussi l’image de l’homme et de son chien – aussi massifs l’un que l’autre – et celle du Toyota qui semblait avoir été acquis surtout pour transporter le placide Saint-Bernard.

Car ce chien n’était pas n’importe qui, c’était une personne. Pour preuve,Jean ne le remplacera pas lorsqu’il mourra disant qu’il était, à l’instar d’un humain, irremplaçable.

Je revois mon directeur déambuler dans la cour de l’école, ramasser un caillou qu’il glissait dans sa poche afin de penser à faire telle ou telle chose. Je ne suis pas sûr que ça marchait.

Je le revois, pull bleu marine – les manches légèrement remontées -, la cigarette au bec, moustache à la Brassens, le sourire au coin de la lippe ou l’œil noir selon l’humeur du moment.

Il s’exclamait rituellement – depuis une certaine inspection - : « Arrêtons ce scandale ! ». Ce qui voulait dire qu’il fallait stopper la récréation, sûrement trop longue de quelques minutes et rentrer en classe.

Il avait trouvé une solution au problème du téléphone qui dérange toujours la classe. C’est un élève qui décrochait : « Allo, je suis un élève de l’école du centre, j’écoute … »

À propos de gamines fâchées avec l’orthographe et/ou le calcul, il disait : « Ҫa ne les empêchera pas de faire de bonnes mères de familles ! ».

À des filles qui se plaignaient de garçons lourds et collants, il rétorquait : « Revenez dans dix ans, ça ira mieux ! », sous entendu vous ne vous plaindrez alors plus des garçons.

Sa philosophie de la vie était proche de celle de l’abbé – du Bolle – mais moins dans l’intellect, plus enracinée dans le concret, sûrement à cause de la fréquentation des gosses.

Ginette, son épouse, apportait à cette anarchie constructive le complément du bon sens et donc de l’équilibre, me semble-t-il …

 

« Tu sais, Jacquot-Boileau … » commençait-il gravement. Le voisinage du tutoiement et de l'usage du patronyme était le signe d'un homme respectueux et pudique qui masquait ses sentiments. Cela ne l'empêchait pas d'avoir recours à l'humour, raffiné souvent, potache parfois, et en toute circonstance. Comme cette-fois où la mairie de Ronchamp, lors d'un coup de chaud estival, lui téléphona pour lui rappeler qu'il ne fallait pas oublier de boire. « Je suis déjà plein ! » lança-t-il à l'employée qui fut bel et bien rassurée.

 

 

Tag(s) : #Hommages
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :