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UN CHAMPAGNEROT HORS DU COMMUN

LE PERE GEORGES ANDRE

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A la fin de sa vie, un physique de patriarche biblique


 

         Qui sait que graines et arbres de Champagney ont germé et fleuri - croissent-encore ? - dans une des régions les plus inaccessibles du monde ?

 

En effet, aux confins de la Chine, à plus de 2000 mètres d’altitude, dans un pays déshérité, au sol pauvre et au climat rigoureux, le Père André développa la culture de céréales et parvint à de belles récoltes de haricots et de pommes de terre. Les arbres transplantés là, permirent même au missionnaire, la fabrication d'alcool, si riche évocation de sa terre natale…

 
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Georges André à l'école du Magny vers 1897. Il est au 1er rang, le 6ème en partant de la gauche et porte le même vêtement que son frère Louis , à droite au même rang.
Le maître est monsieur Lods.
 

Le Père Georges André est né à Champagney le 14 avril 1891 dans le quartier du Magny. Ses parents étaient cultivateurs et marchands de bois.  A l’époque, Théophile André, son père, est même l’un des plus importants marchands de bois de la région.

Georges André restera toujours fidèle à son village natal et correspondra avec ses amis pendant toute sa vie. Il fait ses études au séminaire de Luxeuil. Mais ce n’est pas une vocation banale qui anime le jeune homme : il se sent appelé à porter l'Evangile au loin. C’est pourquoi, en 1908, il entre au séminaire des missions étrangères de Paris.
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En 1912, c'est le service militaire, d’une durée exceptionnelle puisqu’il ne sera démobilisé - Première Guerre mondiale oblige - que le 23 août 1919 ! De plus, il a connu l’« Enfer de Verdun » et, plus tard, lorsqu’il sera perdu dans les immensités du Tibet, il aura près de lui, ses souvenirs du carnage : casque, médaille militaire, Croix de guerre.                                                                                        

Après le conflit, il reprend ses études. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1920 et célèbre une messe, pour la première fois, en août de la même année, à Champagney.

     

Le départ ne tarde pas, puisqu’en novembre 1920, il part pour le Tibet. Le 22 juin 1921, il arrive à Bahang, poste situé à l'ouest de la Chine, à 2600 mètres d’altitude, avec 600 habitants dispersés dans un rayon de deux jours et demi de marche. L’isolement est total puisqu’il est à deux jours de marche du Père Goré – autre missionnaire -, et à trois semaines de son évêque. Le Père ne recevra que deux visites d’Européens en 25 ans ! Quand il reçoit le courrier il passe deux jours sans dormir à le lire.

 

Peu importe ! Ce Champagnerot hors du commun est plein de courage. Il en faut ! Il s'impose à tous par son ascendant physique – c’est une force de nature - intellectuel et moral. Il agrandit sa mission, crée des routes, construit des ponts (l’un de 58 mètres sur le Mékong). De 1923 à 1941, le Père André fonde six nouveaux postes. Il est polyvalent, se transforme en agriculteur et jardinier, implante des graines venues de son pays natal, des pruniers de Champagney. Il parvient encore à distiller de l'eau de vie, puis réussit - au prix d'une patience infinie - à produire son vin de messe ! Le Père André fut un défi permanent !

 

En 1935 il rentre au pays. Après un long séjour à Champagney, le Père André repart en février 1937. Il rejoint son poste de Bahang, puis il remplace un prêtre assassiné à Tsechung. En octobre 1940, il retourne à Bahang pour toute la durée de la guerre.

Les habitants, les Loutzes, sont un peuple doux et insouciant, vulnérable face aux voisins envahissants.

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Les Loutzes photographiés par le Père André

Le Père André rédige un dictionnaire français-tibétain‑loutze, ainsi qu’une étude sur le bouddhisme de la région. L’ethnologie est une autre de ses multiples facettes. Il est un des rares Européens à connaître le tibétain, le seul à parler le langage loutze.

Son tempérament, ses aptitudes et son humanité le font rapidement devenir pour les habitants de la région « l’Empereur du Lou Tsé KIang ». le Père Simonet, des missions étrangères, en voyage d’exploration, le rencontre le 30 juillet 1946. Dans son ouvrage « Tibet, voyage au bout de la chrétienté » qu’il publiera à son retour en 1949, il évoque largement la figure de cet « aventurier de la bonne Nouvelle » comme il se plaît à la nommer.
Voici le portrait qu’il fait du Père André dans ce livre : «  … Le Père André : un magnifique paysan de chez nous, de Franche-Comté, aux gestes lents et puissants, à la voix de tonnerre ; le « massif André », disait toujours le même compte-rendu du Club alpin. Ce tempérament du paysan français, lorsque la vocation sacerdotale vient l’informer, est un de ceux qui peut le mieux supporter l’existence de missionnaire du Tibet. Il est bon ici d’avoir un violon d’Ingres ; celui du Père Goré : les études historiques, géographiques, ethnographiques, linguisistes et religieuses du pays. Et le violon d’Ingres du Père André ? Grand remueur de terre, c’est sous sa direction qu’ont été faits les quelque 3000 kilomètres de pistes caravanières du Loutse-Kiang. Autrefois, en effet, les Loutse ne connaissaient que le sentier qui se propage en ligne droite, dont même les à-pics des montagnes ne le faisaient guère dévier. Le Père André introduisit dans le pays la piste rationnelle, en longs lacets de pente toujours égale, qui réduit au minimum la fatigue des hommes et des bêtes. Et le fait que ces kilomètres de piste ont été creusés et remblayés – dans ce pays où il n’y a pas dix mètres carrés de plat – par la population indigène, en petite minorité chrétienne, sous la direction de ce prêtre étranger, donne la mesure de l’autorité dont jouit le Père Georges André. Aussi, lorsque, dans la lettre circulante du Tibet Sud, il est question de Georges 1er, empereur du Loutse-KIang, et de Georgetown, chacun sait que c’est du Père André et de Ba-Hang qu’il s’agit. »

     
Photo ci-dessous
Claude Simonet lors de son voyage en 1946, entre les pères Goré et André (à droite). Photo extraite du livre de Claude Simonet.

 

 


 

Avec l'arrivée au pouvoir de Mao-Tsé-Toung commence une période de persécutions. En 1949, les armées communistes arrivent à Bahang. Le nouveau régime effectue une mise en ordre de l’administration et fait, dans un premier temps, preuve de tolérance. Les autorité chinoises proclament même la liberté religieuses. Ce n’est là, que pure statégie car, très vite, on interdit aux missionnaires d’aider la population. Ils subissent des tracasseries administratives incessantes et l’accès des églises est interdit au peuple. Au mois de septembre 1951 il est interdit devendre de la nourriture et du  bois aux religieux, il est interdit de les regarder et de leur parler.

 

Cette même année, pour la première fois, on demande aux missionnaires de partir. Le Père André fait la sourde oreille. Même scénario au mois de novembre. Le 11 mai 1952, il reçoit une note : « Votre demande de quitter la Chine est acceptée sous quatre jours. » Il n’a évidemment rien demandé !

 

Le 16 mai, au grand  désespoir de ses fidèles, les soldats viennent le chercher. L’expulsion est brutale. Le Père ne peut emmener que son bréviaire. On le contraint à traverser toute la Chine : 4000 kilomètres, deux cols à franchir dans la neige, l’un de 4600 mètres d’altitude, l’autre de 4000m. L’expédition arrive à Hong‑Kong le 31 juillet 1952 ! C'est la « longue marche » du Père, un calvaire au cours duquel sa santé s’est considérablement dégradée. Il arrive à Paris le 20 octobre pour être aussitôt hospitalisé à l’hôpital Pasteur.

 

Les 650 chrétiens de sa mission restent seuls et désemparés. Il reçoit des lettres qui lui disent les difficultés rencontrées par ces fidèles persécutés comme ceux des premiers temps de la chrétienté par les Romains, comme le seront – et le sont toujours de nos jours – tous les Tibétains colonisés par la Chine.

 

Épuisé par une vie au service des autres, loin des êtres chers, le Père André termine ses jours à Montbeton, dans le Tarn-et-Garonne, à la maison des missionnaires âgés. Il meurt le 4 décembre 1965 à la l’âge de 74 ans et y repose.

 

Correspondant de l’Institut français des langues orientales, le Père André était l’un des rares européens – nous l’avons dit – à connaître le Tibétain, le Mosso et le seul à parler le Loutze. Le dictionnaire qu’il avait réalisé de cette langue est un monument linguistique unique en son genre. Également, correspondant de la société internationale de géographie, celle-ci donna son nom à un pic de l’Himalaya qu’il avait découvert.

 

A l’heure où l’individualisme tente de l’emporter, il est bon d’évoquer le destin de ce Comtois extraordinaire, aujourd’hui méconnu.

Le Père André dont la mision fut d’aider, de soutenir, de construire, est mort déçu d’avoir si peu fait. C’était le genre d’hommes auxquels plusieurs vies seraient nécessaires afin de parvenir au bout de leur œuvre, à supposer que celle-ci ait un terme.




père André TibetUne photo prise par le Père André 
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A Hanoï en 1937


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Le 21 juin 1936 : repos à Champagney,
Le Père André en compagnie de sa mère et de Monseigneur Tournier


Ici bio de Monseigneur Tournier : http://mepasie2.anakrys.biz/?q=fr/tournier-2


père André juillet 1936


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Retour définitif. Journal "la République" du 19 mars 1953


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A Champagney en 1954 lors d'une fête de l'école ménagère (photo Claude Bouteiller)


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A Montbeton, au cimetière de la maison des missionnaires




Les photos (sauf mention) : Suzanne André et archives familiales famille Beurier.

A lire : « Le Père Georges André, missionnaire comtois du bout du monde, Tibet – 1920-1952 » - 1998 - de Georges Taiclet aux Editions de Haute-Saône.

 Ici biographie du Père André : http://mepasie2.anakrys.biz/?q=fr/andr%C3%A9-0

 

 

 

 

 

 

 


 

Tag(s) : #Champagnerots célèbres
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