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L’entreprise Corbin
 Corbin 3
 
Vers 1900

25-08-2010 a
 
Le 25 juillet 2010, on reconnaît juste la rambarde  en fer.
 
Au siècle dernier, sur le site de l’usine Corbin‑Pernot se trouvait un moulin appartenant à la famille Agté. Un canal, plus étroit que celui qui suivra, l’alimentait. Ce moulin fut repris, au début de ce siècle par Bohly, qui le transforma en une petite usine de décolletage qui fabriquait des masses marquées et d’autres produits de visserie. Mais Bohly quitte rapidement Champagney pour Melisey et des locaux plus grands. En 1904, Maxime Corbin rachète l’ensemble qu’il transformera en une fonderie plus importante. De nouveaux bâtiments sont construits ; il y en aura quatre en tout, sans oublier les bureaux et une infirmerie. Le barrage est relevé de quarante centimètres. Le canal est élargi, et son lit est remonté par rapport à l’ancien. Il alimente une chute de 110 chevaux ; un lot de deux turbines couplées est installé en 1905. Une turbine plus petite sera encore mise en service en 1920. Il y a également huit ponts roulants à l’usine.
 
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Le directeur loge dans la maison Follot (maison ci-contre, rue de la fonderie). Le premier, éphémère, s’appelle Dépré. En 1905 arrive pour le remplacer Eugène Colonna qui restera à Champagney jusqu’à la fin en 1936.  
A l’origine, les ouvriers arrivaient par un petit chemin qui longe toujours la propriété Luxeuil. D’autres accédaient à l’usine par la passerelle.

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Le petit chemin le long de la maison Luxeuil


La première passerelle était en bois et permettait, depuis bien longtemps, aux habitants du Ban et de Sous‑les‑Chênes d’arriver au centre de Champagney. Elle desservait également dans l’autre sens le moulin Agté. La commune décida de la remplacer par une passerelle métallique dès 1911, l’ancienne étant alors fort mal en point. Elle ne sera inaugurée que le 1er mars1914 et reviendra à 8 200 francs. Elle est toujours utilisée plus de quatre‑vingts ans après.
                      
C’est le directeur qui décide qu’il fut un accès plus digne à l’usine et qui fait ouvrir la route de la Fonderie. Ce sera désormais l’entrée principale ; mais des tractations seront nécessaires avec les frères Renaud, alors propriétaires d’une partie de la future route.
 
 
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Le chemin qui conduisait à l’usine Corbin est aujourd’hui la rue de la Fonderie. De nombreuses maisons neuves en ont changé l’aspect et le canal qui venait tout droit de l’usine est comblé. Son eau passait ensuite sous le pont à l’entrée de Champagney, puis sous la route pour filer vers l’actuelle rue Senghor et rejoindre un ruisseau au Pâquis.    

 
L’usine Corbin était à l’origine une fonderie d’aluminium et de bronze d’aluminium. Entre 1926 et 1928, on produira aussi de la fonte. On fabriquait des pièces de décolletage et quantité de pièces pour les grandes firmes de l’automobile et de l’aviation de l’époque. Corbin avait aussi quelques spécialités comme les carters en « alpax » (alliage d’aluminium et de silicium) destinés à Rosengart. Ses principaux clients étaient Donnet‑Zedel de Pontarlier, Bugatti de Molsheim, Mathis de Strasbourg, mais aussi Panhard et Levassor, Chenard et Walker (qui sortiront les premières tractions avant), Brazier, Delage, Hispano, et pour une moindre mesure Peugeot, dont tous les carters étaient en fonte (Les ouvriers appelaient « faire la perruque» une activité artistique mais illicite la fabrication de petits objets décoratifs : cendriers, médaillons, figurines...).
Pendant la guerre de 14‑18, on fabriquait des pistons pour l’aviation, travail effectué alors par les femmes. Au plus fort de l’activité, on comptera jusqu’à 240 ouvriers dont une quarantaine de femmes. « Les sabots claquaient sur le chemin de la passerelle » se souvient un voisin.       
                         


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À la fonderie Corbin vers 1919 : à gauche l’homme barbu à la casquette est Eugène Colonna qui sera le directeur de 1905 à 1936 (archives Michel Frechin)

 

A partir de 1929, avec la crise économique apparaît le chômage. Les entreprises de l’importance de l’usine Corbin, victimes du travail en série, commencent à vivoter. Il n’y aura pas « d’évènements » en 1936 à la fonderie Corbin, son activité ayant jusque‑là beaucoup diminué, et la cinquantaine d’ouvriers y travaillant encore étant des rescapés. Le coût des accords de Matignon est trop lourd : il faut diminuer les heures de travail et payer les congés. Finalement, Maxime Corbin ferme l’usine le 1er août 1936.
L’usine est rapidement vendue au belfortain Borel, récupérateur de machines‑outils. Il reprend les machines, l’antimoine (métal qui à confectionner les moules) et entreprend la démolition des bâtiments en vue d’en vendre les matériaux. Les ouvriers sont reclassés sur différents sites : forges de Cran à Lyon, dans une fonderie parisienne, à l’Alsthom, et aux houillères de Ronchamp, plus particulièrement à la centrale électrique.
 
 En 1916, on travaillait dix heures par jour chez Corbin. Le samedi et le dimanche étaient libres. Le jeune qui débute - l’apprenti - gagne dix centimes de l’heure (soit un franc par jour). Pour comparaison, à la même époque, à la mine Ronchamp, le manœuvre gagnait deux francs par jour, le mineur 2,5 francs et le chef de poste trois francs. Le vin valait sept à huit centimes et cent grammes de tabac treize sous (un sou égale cinq centimes).                                                                                                       
 

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Atelier de noyautage vers 1925

Première rangée de bas en haut : Paul Choffert, René Colez, Gaston Didier, « Carreau » Just Cardot d’Eboulet, André Graffe,, Henri Werlé, Mlles Chippeaux et Poivey, Aristine Boileau, Camille Boileau, Lenoir Chef d’équipe.

Deuxième rangée de bas en haut : Marcel Péquignot, Marcel Sarrazin dit « Cousin », Emile Mozer, Eugène Boisot.

 

 

Les conflits sociaux furent rares à la fonderie. Il y eut quelques grèves durant les années vingt, des arrêts de travail de deux jours à une semaine avec, pour objectif des augmentations de salaire. A époque, les grèves tournaient court rapidement. Sans structure d’aucune sorte, sans syndicat, la direction avait tôt fait de congédier les grévistes ou leurs représentants qui étaient vite remplacés. Les grèves étaient vouées à l’échec et les délégués renvoyés systématiquement. On hésitait donc à faire grève par peur de perdre son emploi ou de voir sa petite paye réduite.

 
Le conflit sérieux qui a marqué cette époque à l’usine Corbin date de 1930. Une partie du  personnel s’est mise en grève du 5 au 21 février1930. Dès le début du mouvement, des groupes de grévistes se placent aux entrées de l’usine pour empêcher les non‑grévistes de se rendre au travail. Les gendarmes à cheval patrouillent afin d’éviter les voies de fait. Les rapports de police font pourtant état d’agressions isolées. Deux grévistes furent même déférés au Parquet de Vesoul. Une soupe populaire est installée dans le tournant, avant la maison Luxeuil, pour les piquets de grève. Sur 240 ouvriers, on compte150 grévistes.
Le conflit prend vite une couleur politique puisque dès les premiers jours, trois représentants du parti communiste viennent rejoindre le délégué unitaire afin d’organiser une réunion. Ceci explique probablement le caractère avant‑gardiste de la plate‑forme de revendications des grévistes : augmentation horaire de 0,75 francs, majoration du tarif des heures supplémentaires de 50 %, congé annuel payé de 15 jours, repos d’accouchement payé : 6 semaines avant et 6 semaines après les couches, égalité des salaires entre les hommes et les femmes occupés aux mêmes travaux (Rapport de l’inspecteur du travail 14 mars 1930).
Le conseil municipal de Champagney, le 8 février, dénonce le caractère politique du conflit : « Considérant, que ladite grève des établissements Corbin a été déclarée brusquement sur l’instigation de deux meneurs communistes étrangers à la commune et au personnel ouvrier qui se trouve entraîné dans un mouvement qui n’a rien de corporatif, mais qui, au contraire, a pour but de servir la propagande communiste, que ces meneurs ont incité l’ouvrier à méconnaître l’autorité et la médiation municipale, qu’ils font même appel à la violence, que dans ces conditions la cessation du travail est loin d’être générale [ ... ], que cette grève s’étant produite le 3 février, il n’apparaît pas encore bien nécessaire aujourd’hui de prévoir une aide matérielle en faveur des grévistes et de leurs familles[ ... ] »                       
Le conseil municipal de Champagney, dans la même délibération, fait cependant part de sa sympathie pour les revendications du personnel de l’usine Corbin, mais se désolidarise du mouvement en raison de son déclenchement dû à des « meneurs politiques étrangers au personnel de l’usine, venus sans même avoir été sollicités par les ouvriers ». Il proteste encore contre les appels à la violence et contre les entraves à la liberté du travail, et n’admet pas le fait que sa médiation ait été totalement négligée. Enfin, il est décidé que si le conflit se prolongeait, la municipalité apporterait une aide, sous forme de produits alimentaires, aux grévistes nécessiteux de la commune. L’équipe d’Henri Roth (maire et patron d’usine) s’en sort tant bien que mal. Il s’agissait, pour des élus de gauche, de ménager et les ouvriers qui ont sollicité naturellement la mairie, et le patron qui devait rester un partenaire privilégié au moment où la crise économique s’installait. À l’issue de la grève, le bilan est lourd : une petite augmentation de cinq à dix centimes a été accordée aux ouvriers n’ayant pas participé à la grève ; 18 ouvrier ont été renvoyés, et 25 ont refusé de reprendre leur poste.
 
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En octobre 1938, alors que Borel poursuit la démolition de l’usine Corbin, Paul et Delphin Pernot lui rachètent ce qui en subsiste. Les deux frères avaient déjà une petite entreprise de décolletage à Vy‑lès‑Lure, et s’y trouvaient à l’étroit. Ils viennent s’installer à Champagney, donnant ainsi du travail à une quinzaine de personnes.
Les élus locaux, devant les sérieux problèmes de chômage, espéraient mieux.
Une compagnie d’aérostiers s’installe dans l’usine en 1939. À la même époque, la petite entreprise honore des commandes de guerre : corps de fusées, tubes porte‑amorces pour les obus.
                                                                                                                                                                                                                                      
Pendant l’Occupation, l’activité est très réduite, faute de matières premières. Un reste de barres de métal permet de travailler un peu pour les chemins de fer et de garder une poignée d’ouvriers, des femmes essentiellement.
 
En 1944, une centaine d’obus tombent sur l’usine. On comptera dix‑sept trous d’obus dans la cour. Ce sont alors les soldats français qui s’instal­lent durant un mois, se chauffant avec le bois des portes. Ils entreposent de l’essence dans un bâti­ment pendant que l’usine, rapidement, produit à nouveau de l’électricité pour elle-même, mais aussi pour de nombreuses maisons de Sous‑les­-Chênes.
 

L’entreprise Pernot reprend doucement son activité, toujours pour les chemins de fer, jusqu’aux environs de 1948.


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Un atelier de mécanique à l’usine Corbin vers 1925. De gauche à droite, on identifie : le chef d’atelier Alfred Pindeler, Paul Charpin, ? de Ronchamp, D’josâ Monion du Ban, Armand Couturier « Bodot » (accoudé), derrière lui ?, Gaterat de Ronchamp, (à droite courroi accoudé) Charles Wissler, (derrière lui, au fond) Canda du Mont-de-Serre, (le jeune garçon) ?, Marcel Pindeler (le fils du chef), Paul Péroz, André Stiquel

 

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La fonderie pendant la guerre de 14-18 (archives Désingle)

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Le noyautage - femme pendant la guerre de 14-18 (archives Désingle), l'homme au centre de l'image est le directeur Colonna.

 


   25-08-2010 b

25-08-2010 c
 

La démolition des bâtiments - 25 juillet 2010

28-02-2001 a

28-02-2011 b
 

Le site le 28 février 2011 et, ci-dessous, le 8 février 2012


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Ce texte est extrait de : Cham 1

Tag(s) : #Histoire locale
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