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Une petite histoire de la pomme de terre, ce tubercule qui a donné son nom - familier - à notre département

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Tout commence en Amérique du Sud dans la première moitié du XVIème siècle lorsque les conquistadors observent les habitudes agraires et alimentaires des populations locales. Des plants de « pommes de terre » sont embarqués vers l’Europe et la consommation de ce légume est attestée à l’hôpital de La Sangre à Séville en 1564. Ainsi, contrairement à une idée reçue, la pomme de terre est rapidement devenue un aliment.

Le botaniste Pierre Charles de l’Ecluse, en 1601, dans son Histoire des plantes rares la désigne sous le nom de taratufli, petite truffe et précise qu’elle est cultivée dans les jardins en Allemagne et en Italie où elle est consommée.

La pomme de terre est connue à Montbéliard dès la fin du XVIe siècle. Elle est dénommée cartoufle, cartoffle, catrouille, patate ou encore « pain tout fait ». Le médecin et botaniste Jehan Bauhin (1541-1612), la cultive dans les domaines du prince. C’est son frère, Gaspar, Bauhin, professeur à Bâle, qui lui donne son nom scientifique solanum tuberosum esculentum. Il décrit différents modes de préparation du légume : « Chez nous, on fait parfois rôtir les tubercules sous la cendre comme des truffes, puis on enlève la cuticule et on les mange avec du poivre. Quelques-uns les font rôtir, les nettoient, les coupent en tranches, les fricassent dans une sauce grasse avec du poivre et les mangent à titre de bon reconstituant. »

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La plante se propage d’abord dans les jardins botaniques, gagne ensuite les potagers des particuliers, enfin les champs. Ceci lentement car il faut surmonter les réticences. En effet, la nouveauté donne toujours lieu à des rumeurs, engendre la méfiance Ainsi, le même Gaspar Bauhin rapporte que la pomme de terre provoquerait la lèpre. Ces croyances sont les seuls indices de la présence de la pomme de terre en Franche-Comté au XVIIe siècle.

Au début du siècle suivant, dans les villages proches d’Héricourt, quelques familles d’Anabaptistes originaires du Canton de Berne, remplacent la jachère par une troisième sole plantée de pommes de terre. Leurs voisins d’Etobon généralisent sa culture dès 1732. A la même époque, la culture de ce tubercule est reconnue dans la région de Belfort, à Giromagny, dans la vallée du Breuchin, aux environs de port-sur-Saône.

 

Deux precurseurs

Le 28 juillet 1755, le chirurgien et naturaliste Le Vacher lit devant l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon un « Mémoire sur l’usage des pommes de terre appelées topinambours ». En 1768, cette même Académie récompense les travaux de Normand, ingénieur à Dole, qui préconise la culture de la pomme de terre car celle-ci est planifiable, n’épuise pas les sols et permet ainsi d’éviter la jachère. Le savant regrette que «…Nous ne destinons ces précieuses racines qu’un petit coin dans nos jardins tandis que nous devrions en couvrir nos campagnes. »

Après la disette de 1771, beaucoup se tournent alors vers la pomme de terre qui est alors bien connue dans toute la Franche-Comté.

 

Parmentier

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En 1772, l’Académie de Besançon lance un nouveau concours sur les « Substances alimentaires qui pourraient atténuer les calamités d’une disette ». Elle honore cette-fois ci Parmentier qui suggère la confection de pain à base de la pomme de terre. Cela n’est guère original, mais le travail de Parmentier se distingue par la qualité de l’approche chimique des expériences réalisées.

Le pain du pauvre et la friandise du riche

Dès lors, la pomme de terre est fréquente sur les tables comtoises Les autorités encouragent la confection de nouvelles sortes de pains et le XIXe siècle voit l’apogée de la pomme de terre qui devient l’un des aliments ordinaires consommés par les paysans, mais aussi par les animaux.

En 1815, dans l’Annuaire de la Haute-Saône, J A Marc écrit : « Il est une plante précieuse dont le produit a décuplé depuis 1789. Nous voulons parler de la pomme de terre. …. Le peuple qui a craint le retour de la disette a semé en abondance des pommes de terre. Aujourd’hui cette racine par excellence alimente les hommes et les bestiaux. On peut dire qu’elle est, chez nous, le pain du pauvre et la friandise du riche. »

 Solanum tuberosum

La Haute-Patate

C’est Miroudot de Saint-Ferjeux, subdélégué à Vesoul, qui pour la première fois dans la région, en 1762, utilise le terme « patate » dans son Essai sur l’agriculture.

La culture de la pomme de terre ne fait que croître en Haute-Saône tout au long du XIXe siècle. On en récolte 260 000 hectolitres en 1815, quatre millions après 1870. Si elle diminue au cours du siècle suivant, sa consommation reste très importante. Ne dit-on pas qu’autrefois, les gens du plateau des Mille étangs mangeaient des poirottes trois fois par jour : celles de la veille réchauffées avec du lait au petit-déjeuner, dans la soupe aux légumes à midi, et en salade le soir au « souper ».

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Un travail communautaire

Comme tant d’autres travaux à la campagne, la culture de la pomme de terre était un important travail communautaire difficile et épuisant. Les « semences » remontées de la cave dans des paniers – les paniers à pommes de terre – étaient dégermées. Dans le champ fumé et charrué, elles étaient jetées dans le sillon à intervalles réguliers.

Une ou deux semaines après la plantation, il fallait déjà arracher les premières mauvaises herbes. Les pommes de terre sorties de terre, on recommençait cette opération plusieurs fois et encore avant de les buter. Les champs de pommes de terre étant nombreux, ce travail à la main était long et fatigant. On plantait beaucoup aussi pour pouvoir engraisser les cochons.

Le moment de la récolte venu, en septembre, il fallait manier le crochet, se courber vers le sol à chaque pied arraché pour ramasser et trier les tubercules : les grosses pour la consommation familiale, les petites pour les animaux, les semences pour la plantation future.

Lorsque les champs étaient éloignés, on y travaillait toute la journée, prenant le repas de midi sur place, les voitures chargées de sacs de grosse toile ne rentrant la récolte de la journée qu’à la nuit.

 

La pomme de terre tient une grande place dans l’histoire de l’alimentation et des traditions en Haute-Saône. Ainsi, nous conclurons provisoirement sur l’évocation de gestes traditionnels empreints d’une solidarité séculaire. ? Dans les Vosges Saônoises, on avait pour habitude de laisser une corbeille de pommes de terre où le pauvre de passage pouvait se servir. Mieux encore, au temps de la récolte, dans certains endroits (à Champlitte en 1870 ou dans les Vosges Saônoises jusqu’en 1914), une petite parcelle de pommes de terre, la Parmentière, était destinée aux pauvres.

 

 

Tag(s) : #Histoire locale
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