FAMILLES ET SOBRIQUETS
Jadis, à la campagne, les villages vivaient repliés sur eux‑mêmes. On naissait à la maison, on se mariait au pays avec une fille du village ou d’un village voisin, on faisait sa vie sur place. Même scénario pour les enfants. C’était la règle générale, même s’il arrivait parfois qu’un mariage ou qu’une situation professionnelle entraîne un enfant au loin. La fête de Champagney avait alors pour but de réunir la famille dispersée. Les vacances se déroulaient à Champagney et le seul voyage se limitait bien souvent au service militaire.
Ainsi tout le monde se connaissait, souvent plusieurs générations vivaient sous le même toit et les vastes maisons d’autrefois permettaient aussi d’abriter éventuellement un ou plusieurs locataires. Cela donnait une communauté villageoise apparemment soudée, les hameaux cependant nettement détachés du Centre, même le Magny, puisque ses habitants disaient carrément en cas de courses à faire au Centre : « Je descends à Champagney ».
Cette sorte de promiscuité faisait que les joies et les peines étaient naturellement partagées, mais revers de la médaille, tout se savait, tout était rapporté, commenté, avec ce que cela implique de moqueries, voire de médisance.
Dans les archives Mozer Eugène : Cécile Mozer et sa belle-fille Louise posent avec leur ouvrage. Sur ce cliché de 1906, les enfants sont Henri (tué en 1914) et Angèle (Angèle Sarre).
Ce dernier aspect est un des éléments d’explication de la formation et de l’existence du sobriquet. Le dictionnaire dit d’ailleurs à son propos : « surnom familier donné par dérision, moquerie ou affectueusement. » Sa cause principale est la stabilité des familles ajoutée au nombre d’enfants plus important qu’actuellement au sein de chacune. Les patronymes d’origine étant en nombre limité (Couturier, Mozer, Pezet, Taiclet, Mathey ... ) mais multipliés par le nombre d’enfants, il apparut nécessaire de différencier les foyers au même nom de famille. Ajoutons à ce premier phénomène, un nombre également limité de prénoms tant masculins que féminins (combien de Jules et de Marie ?). L’usage du sobriquet est vite devenu indispensable et ce n’est pas là une spécificité à une région ou à un pays puisque les Romains, il y a bien longtemps, en avaient l’usage pour les mêmes raisons.
Emilienne Petitgirard montre son travail. Photo prise vers 1920 à la Bouverie - maison Jacquot. De gauche à droite : Emile Petitgirard "Milo", Marie Démésy, Jeanne Lacour, Julie Pharisien, le grand-père Edmond Petitgirard et son petit-fils Maurice.
Le sens premier du sobriquet est de différencier des familles ayant le même patronyme et qui n’ont pas de liens de parenté apparents. L’usage finit par créer des sobriquets ne désignant qu’un seul individu et non pas une famille. Il existe aussi des sobriquets nés d’une particularité physique, d’une profession, d’un tic ou d’un évènement propre à une seule personne et qui ont été donnés à toute la descendance comme par héritage.
D’autres dénominations étaient réservées carrément à tous les ressortissants d’un même village comme « Coboillot » pour les Champagnerots originaires de Malbouhans.
L’origine linguistique du sobriquet est le patois parlé localement. C’est la raison pour laquelle sa traduction écrite est approximative puisque langue exclusivement orale. Les parents des personnes nées vers 1920 parlaient le patois entre elles, mais déjà plus avec leurs enfants qui néanmoins le comprennent et savent le parler.
Il est impossible de situer l’époque originelle du sobriquet. Né d’une anecdote, déformé par le temps et la mauvaise compréhension des générations suivantes, le nom donné n’a plus aucun lien avec le français ou même parfois, avec le patois connu. Mais ceci n’est pas systématique. Certains sobriquets sont clairement évocateurs : « Barcot » veut dire « petite Barque », « La Bocâ » signifie " becqué " de petite vérole ou « Bian » égale " Blanc ", « Tchicou » " la chique " et encore « La Gotte » ou « La Goulette » plus significatifts.
« Bonna » est le raccourci de " Bonnaventure " et comme exemple de manies citons l’évident et amusant « Tire-culotte ». N’oublions pas une dernière catégorie : celle des idées ou convictions d’un ancêtre comme l’illustre le sobriquet « Gambetta » pour la famille Didier à l’aïeul républicain.
Symbole d’une époque révolue, puisque ses raisons d’être ne sont plus, le sobriquet disparaît peu à peu en même temps que les dernières générations concernées. Aujourd’hui, à Champagney les familles d’origine ne sont plus la majorité, nombreuses sont celles venues de l’extérieur s’installer ou construire, la population est très mobile, la mode changeante a multiplié le nombre des prénoms (du retour des prénoms du début du siècle aux prénoms régionaux en passant par celui de l’héroïne de la dernière série américaine). Enfin, pour un nombre d’habitants sensiblement égal à celui des années trente, on est loin de connaître la majorité de nos concitoyens.
Tous ces éléments expliquent la disparition du sobriquet. Restent les Anciens qui l’utilisent encore pour évoquer tel ou tel de leur génération et dont le véritable nom ne leur vient pas en premier à l’esprit.
Voici une liste des principaux sobriquets concernant les familles de Champagney. Elle est probablement incomplète, mais il s’agit bien de sobriquets au sens propre non pas de qualificatifs ne désignant qu’un seul individu.
André : Jobert - Doudou ‑ Bêt’chin (Beauchien) ‑ le Thil ‑ Nestor
Beluche : Piron
Bonnaventure : Bonnat
Bourquin : Gôgü
Brantener : Castillo
Bruey : Tire-Culotte ou le Zigue – Méhusse - Tino
Burcey : L’charron - Lauraine
Campredon-Stiquel : Jouza – Gnongnon - Dubeau
Cardot : L’Anier – Fieutout – Bûgnon – Carreau (de Fresse)
Caritey : T’Chôyot (Tchauyot) – Gaudy
Champagnol : La Câle - Carpa
Cordier : D’Jean Boko - Tord‑Chêne
Couturier : Bodo ‑ Boxo ‑ Flapa ‑ Moussotte ‑ Piton - Routiou
Didier : Gambetta
Dirand : Picasse
Douillet : Picot
Dubret : Priscille – Beut’chô (de Plancher‑Bas)
Faivre : Grapillou
Gable : Câduc
Gillet : La Gotte (Grand Crochet) – Bikki
Gouhenant : D’Jean Greupaille
Graffe : D’Jean Ditisse, ‑ Poûleau
Grandjean : Brinquin
Grisey : Macapoix ‑ La Miche - Kêké ‑ Bozo
Guichard : Pas Jean
Guillaume : Brich’tour – Ratonnette
Guscheman : Chachette
Guy : Lizo
Hambert : La Poule – Tuetôt ‑Taillot ‑ Le Gros - L’Malin
Hantzbergue : (Eboulet) Bébé
Henry : La Goulette (Plancher)
Hozotte : Gazo
Jeanblanc : Zozo (La Piotnaz) – Nicasse (Fresse)
Jeanmougin : La Guille
Jeanroy : Boqué, le Zigue (Ronchamp)
Juif : Conaille
Lacour : Tcheudi - Théodorine
Lallemand : Deuda
Lambelin : Biathia – Manau - le Dioule ‑ Noré ‑ Patagant ‑ Bacca
Luxeuil : I’Tailleur - Doudet
Lombard : Bocuse ou Bobo – Dross’Oreilles (Fresse)
Marsot : Daillette ‑ Quiqui
Mathey : Barcot - Moyot ‑ Couet’chot ‑ Fideau ou Le Thien – Thiebaut - Mâ Dodor – Cayot – Samson - Bijou
Morel : Zebro
Olivier : Mille Balles ‑ Quech’té ‑ Carachos – Gâbri – Tiantoine - Quirouck
Pautot : Jean Tuhô ‑ Lilotte,
Pezet : Tanté
Péquigney : D’Jutin
Péroz : Tchauvey ‑ Tchicou ‑ Boûbot (gare ‑ Plancher‑Bas)
Philippe : Boutou
Piguet : Tiou p’tit - Tonzou ‑Mognon (Ban) ‑L’Chien ‑ Tiou Pote - Jean Barri Renaud : Fieut’lit
Ribaud : Doudet
Richard : D’Janvie - Canari
Rué : Téodule
Sarrazin : l’Ami ‑ Cousin
Simonin : Fouèrou ‑ la Tchivre
Stoupantz : Pas Loup
Taiclet : Tien’ Tiou ‑ Titou ‑ Pipa ‑ Datou ‑ le Pet ‑ Bieugette ‑ La Pomme - la Bokà - Chanté
Toillon : Cul d’Homme
Vuillemey : D’Jouzi
La famille Mozer, Démésy, Jacquot au Bermont dans les années trente. A droite, on devine les Ballastières, à gauche, au loin, le tissage Dorget.
Histoire de ponts - Champagney
Le pont à l'entrée du village Sur le cadastre de 1833, signé M Robert, géomètre en chef du cadastre (Site des Archives départementales de la Haute-Saône), un pont est dessiné à l'entrée d...
http://jacquotboileaualain.over-blog.com/2013/12/histoire-de-ponts-champagney.html