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L’histoire mouvementée de la reconstruction de l’église

 

La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône

L’histoire de la reconstruction de l’église Saint-Laurent est un roman que Jean-Louis Langrognet, conservateur des antiquités et objets d’art de la Haute-Saône, a su conter avec passion et précision (conférence à Champagney le 16 juin 2017 – on trouvera ici, pour lessentiel, les notes prises au cours de cette conférence).

Pour ce qui est des églises comtoises du XVIIIème siècle, c’est l’un des édifices les plus importants. Il existe très peu d’archives à son sujet peut-être disparues durant la guerre. Pour le XIXème siècle, on dispose des archives de la fabrique (diocèse)

 

 Ce long chantier (1773-1788) lié à la richesse forestière de la communauté a engendré une architecture de qualité due à des architectes de talent. Si la finalité était de concevoir un édifice susceptible d’accueillir 1000 personnes les jours de fête, la forme aboutie est celle d’une architecture savante, élaborée, digne des hôtels particuliers de cette époque. Les destructions dues aux guerres du XVIIème siècle ont provoqué la nécessité de reconstruire. Face à la demande de la communauté de Champagney, Miroudot de Saint-Ferjeux, le subdélégué de Vesoul, diligente une enquête. Une visite de l’église a lieu le 9 octobre 1769. Le rapport qui évoque le pourrissement du plafond en bois et de la charpente en sapin décrit finalement un bâtiment en mauvais état, trop petit pour les 1495 habitants de l’époque. Il y a bien nécessité de reconstruire un vaste lieu de culte. Les acteurs de ce projet seront : la communauté des habitants (échevins, procureurs et chefs de familles) - ceux-là même qui se réuniront pour la rédaction du cahier de doléances en 1789 - , l’autorité diocésaine et le curé, l’administration royale qui assure la tutelle des villageois, l’intendant de Besançon et son subdélégué de Vesoul, le grand maître des eaux et de la maîtrise particulière de Vesoul, le Prince-abbé et les chanoines de Lure en qualité de décimateurs de la Paroisse.

En 1773, le maire de Champagney est Pierre-Laurent Vaignedroye. La communauté des chefs de familles se réunit au pied du clocher. Un laboureur est un paysan aisé. Saint-Isidore en est le patron et il est représenté comme une sorte de bourgeois de la campagne. Les tableaux des frères Le Nain montrent bien la hiérarchie dans le monde paysan.

A l’époque, le Cardinal archevêque de Besançon (de 1754 à 1774) est Antoine Clériade de Choiseul-Beaupré.  Joseph Legrand de Marizy (1734-1803) est le Grand maître des eaux et forêts de 1754 à 1789. Le Prince-Abbé de Lure est Casimir-Frédéric de Rathsamhausen (1698-1786). L’intendant de Franche-Comté est Charles André Lacoré (1720-1784) de 1761 à 1784 et son subdélégué à Vesoul est Miroudot de Saint-Ferjeux (1728-1801).

Le financement sera assuré par les revenus communaux, les dons et legs,  l’imposition autorisée par l’intendant, l’emprunt, les droits d’octroi et surtout le produit de la vente du quart de réserve des bois communaux. En effet, un élément capital de cette histoire est l’ordonnance de Colbert qui institue le quart de réserve, cette part de forêt à laisser fructifier en vue de gros travaux. Il s’agit là potentiellement d’un trésor accessible – si usage – tous les 50 ans, le temps qu’il faut à la forêt pour se reconstituer.

 

En 1771, la forêt de Champagney compte 1256 arpents 50 perches soit 620 ha. Le quart de réserve est alors de 157 ha destinés à la construction de l’église. Le 21 juillet 1771, un arrêt du conseil d’état du roi autorise la vente d’un peu plus de 192 arpents à prendre au Theurey et aux Époisses.

Cette vente rapportera 44 226 livres (la communauté a touché, déduction faite des frais, un peu plus de 39000 livres. Le maître des eaux et forêts ayant touché 900 livres pour présider l’adjudication).

L’on apprend encore que le Prince-abbé de Lure se doit de réparer et d’entretenir le chœur de l’église, c’est la règle ce qui n’empêche pas les décimateurs de contester systématiquement l’ampleur du chœur des églises d’où souvent des églises reconstruites avec une allure déséquilibrée car l’Église n’ayant pas voulu payer la partie qui lui incombait : le chœur !

L’architecte bisontin Jean-Charles Colombot est nommé par le grand maître des eaux-et-forêts. Il a fait ses preuves puisqu’il est l’auteur d’une soixantaine d’églises en Franche-Comté (Avrigney, Saint-Hilaire, Bouclans, Soing, Rosey, Champlitte …) celle de Champagney faisant partie de la dernière dizaine de ses réalisations. Il vient à Champagney en 1772.

Le projet concerne la construction de l’église, mais aussi celle d’une maison d’école, du pont à l’entrée du village et le remboursement de diverses dettes. Le devis s’élève à 46 200 livres. Il faudra avoir recours à une 2ème coupe de 121 arpents et 93 perches le 14 juillet 1778. L’ensemble de l’adjudication rapportera plus de 82000 livres, 10 % sont prélevés par l’administration.
L’adjudication a lieu le 29 janvier 1773. Le creusement des fondations commence le 29 janvier 1773 sous la direction de Claude Charles Vernier, entrepreneur de Vesoul. 

 

En même temps débute un conflit avec l’Abbé de Lure, les chanoines trouvent le chœur de l’église trop important. Il faudra en venir au comptage des habitants – 1465 en 1773 - pour justifier du volume de cette partie de  l’église. Il y aura procès à Vesoul puis au parlement de Besançon. Le chapitre de Lure sera condamné le 1er mars 1774 puis le 9 août 1776 (4857 livres à verser pour le chœur et 2000 livres de frais de procès).

 

Le chantier a mal débuté, l’entrepreneur ayant estimé un coût trop faible. Les fondations ne sont pas assez profondes. Dans le même temps la construction du pont de bois a débuté. Pour l’église, il faut repartir à zéro et les années passent. Un nouvel architecte, Claude Étienne Chognard (auteur des églises de Bauley, Vauvillers, Gruey, celle-ci dans les Vosges) adapte le devis de Colombot et le 19 février 1785 un nouvel adjudicateur, Jean-Baptiste Plaisonnet dit Lespine reprend le chantier qui alors ne connaîtra plus de déboires jusqu’à l’achèvement de l’église en 1788. Les pierres proviennent en partie de Clairegoutte. L’instituteur Émile Cuenin évoquait aussi la carrière de la Blanche Pierre à Eboulet pour la provenance des pierres. Il parlait aussi d’une cérémonie de pose la première pierre en la montrant, située en bas à droite de la façade.

94 arpents de forêts seront encore nécessaires pour financer le mobilier dont « 30 corps d’arbres de chêne » pour les artisans qui feront le mobilier dont les boiseries qui sont remarquables par leur décor et leur finesse. Il faudra compléter le projet par la fonte et l’installation de deux cloches. L’intendant refusera l’adjudication du mobilier le trouvant trop  luxueux mais les habitants feront exécuter tous les travaux d’aménagement intérieur avant de connaître ce refus. Nous sommes alors à la veille de la Révolution …

La dernière restauration intérieure date de 1978. Le maître-autel qui datait de 1829 a été remplacé par un maître-autel provenant de l’église de Charmoilles, le tableau central vient d’Arc-lès-Gray. Il a été placé sur une fresque réalisée en 1955 et signée A Jaegy, elle était intitulée  « Le monde du travail à Champagney ». Elle a alors été badigeonnée de blanc. La Sainte-Barbe de bois polychrome provient de l’ancienne église et la pièce majeure reste l’ « Adoration des Mages » de 1572. Mais le contenu et le mobilier sont un autre sujet.

L’église de Champagney représente ce qu’on faisait de mieux au XVIIIème siècle.

La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône

Les bombardements de 1944 endommageront durablement l’église puisqu’elle ne sera plus utilisable pendant plusieurs années, les offices ayant lieu à la salle Jeanne d’Arc. En 1947, la mairie recevra  457 000 F de dommages de guerre pour l’église et 1 300 000 F en février 1955. 21 obus sont tombés sur l’édifice, on voit toujours de nombreuses traces de mitraille dans la pierre sur la façade et l’emplacement d’un gros trou réparé par des pierres d’un rose différent sur le chevet sud.

Le toit de l’église a été refait après la tempête de 1999 et le clocher restauré en 2002-2003  en s’inspirant pour la pose des tuiles vernissées de cartes postales du début du XXème siècle.

L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus
L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus
L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus
L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus
L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus

L'église après les bombardements de 1944 - Le gros trou réparé et traces d'éclats d'obus

Cartes postales anciennes : 1903 - 1912 - 1930
Cartes postales anciennes : 1903 - 1912 - 1930
Cartes postales anciennes : 1903 - 1912 - 1930

Cartes postales anciennes : 1903 - 1912 - 1930

L'intérieur en 1903, en 1918 et après la restauration de 1978
L'intérieur en 1903, en 1918 et après la restauration de 1978
L'intérieur en 1903, en 1918 et après la restauration de 1978

L'intérieur en 1903, en 1918 et après la restauration de 1978

Crèche dans l'église en 1918

Crèche dans l'église en 1918

Le 9 mai 1903 sortie de l'église d'un "beau mariage", celui de Marie Mathey et de Louis Joachim. Il s'agit de la fille de Théodore Mathey, marchand de vin.

Le 9 mai 1903 sortie de l'église d'un "beau mariage", celui de Marie Mathey et de Louis Joachim. Il s'agit de la fille de Théodore Mathey, marchand de vin.

La "Passion" montée en 1928 par le curé Louis Gaillard et le tout Champagney catholique.

La "Passion" montée en 1928 par le curé Louis Gaillard et le tout Champagney catholique.

 

Caractéristiques architecturales

  • Construite sur un tertre, sol de l’ancienne église. Sous les fondations traces probables de l’ancienne église, voire d’une construction gallo-romaine
  • Sa volumétrie exprime l’ensemble du programme
  • Clocher-porche en tête
  • Nef à trois vaisseaux
  • Chœur à chevet plat
  • Sacristie adossée dans l’axe
  • Murs en pierres de taille assisées (mises en plan régulier)
  • Toit à deux pans sur la nef, à croupe sur le chœur, en appentis sur la sacristie
  • Portail flanqué de deux pilastres d’ordre dorique portant un entablement et un fronton.

 

Ordre soigné mais de base sur lequel joue la lumière. Dans une table saillante entre deux pilastres, on peut lire l’inscription en latin : « A Dieu très grand et très bon voici la demeure de celui qui tient la foudre du ciel ».

Toiture à l’impériale, puis un lanternon avec piédouche (boule, croix et coq), peut-être en ferblant à l’origine. La pendule avait à l’époque un cadran en bois peint.

Sur les deux côtés, deux portes avec arc segmentaire clavé. Les baies sont en plein cintre. On est devant une architecture savante. Le maître-appareilleur, adjoint de l’architecte dirigeait le chantier, donnait les indications sur l’emplacement à donner à chaque pierre.

C’est une église-hall avec les collatéraux de la même hauteur que la nef. Cinq travées voûtées en berceau pénétrées de lunettes. Les chapiteaux toscans, d’ordre dorique appauvri, les ouvertures sont de plein cintre permettant une lumière abondante. Au XVIIIème siècle on ne mettait que du verre blanc, la lumière devant être intense afin de ne faire que de minimum de dépenses d’éclairage.

Une subtilité à Champagney avec dans le chœur des demi-colonnes dans le prolongement des colonnes de la nef.

La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
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La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
La reconstruction de l'église de Champagney  (1773-1788)   -  Haute-Saône
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Tag(s) : #Histoire locale
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