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   31 octobre 1933
 
CATASTROPHE AERIENNE
SUR LA BUTTE D'ETOBON


 
Etobon, agréable petit village niché dans un écrin de verdure, est bien connu à cause de la tragédie du 27 septembre 1944. Le bourg à la silhouette intemporelle, est célèbre localement, aussi, pour sa colline, mamelon régulier, qu’on repère facilement d’où que l’on vienne.

Num-riser0240carte : collection Christian Suply


Cette proéminence porta un château jusqu’en 1519, date à laquelle Guillaume de Furstemberg seigneur d’Héricourt le détruisit et le brûla. Les promeneurs qui choisissent aujourd’hui d’en gravir la pente trouveront encore quelques vestiges de cette lointaine époque. Leurs pas les conduiront également, au milieu des bois, jusqu’à un petit monument qui commémore la catastrophe aérienne du 31 octobre 1933, date à laquelle, l’avion postal l’Etoile d’Argent percuta la butte et s’écrasa avec cinq passagers à son bord.
Quelles furent les circonstances de la chute de l’appareil en ce jour funeste où la butte d'Etobon, semble avoir été noyée dans le brouillard ? Deux articles (signés de Tina Sonia, puis de Gilbert Belin – ancien sous préfet de Lure) publiés en 1979 dans le Nouvel Almanach Franc Comtois, racontent le drame. Michel Bregnard lui consacre un article dans son livre "Chroniques des cantons d'Héricourt" (éd Alain Sutton - 2004).
L'appareil n'était pas un avion de tourisme, il faisait partie d’une série d’avions de ligne, des grandes machines, tous baptisés « Etoile d'argent ». Il y eut, semble-t-il, une série de six appareils sur le fuselage desquels était peinte une étoile d'argent. Ce fut la flotte « silver star » qui assura à partir de 1931, sur les lignes de l'Europe du Nord, en particulier les services quotidiens de la S.G.T.A, la Société Générale des Transports Aériens créée par le constructeur Farman.
Ces avions étaient construits par la Maison Farman. Equipés de trois moteurs Salmson de 230 CV refroidis par air, ils disposaient à pleine puissance de près de 700 CV. A vide, les appareils de ce type (Farman 301) pesaient 2.492 kg et en charge maximum 4.530 kg avec une réserve de 1.081 litres d'essence lui assurant une autonomie de 800 km environ.
 
Pour cette époque, période mythique de l’Aéropostale, le Farman 301 était donc déjà un appareil très performant, apte au vol sans visibilité. Malheureusement, il ne possédait pas de dispositif pour faire disparaître le givre qui, dans certaines conditions météorologiques, a vite fait d'enrober les bords d'attaque de l'aile et des gouvernes, rendant rapidement l'avion incontrôlable.
 
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Ce dernier jour d’octobre, le pilote Gaston Lafannechère était assisté par le mécanicien Bloquet et par le radiotélégraphiste Camille Suply. L'avion de la compagnie Air France qui ne comptait guère plus de 1.500 heures de vol, était, paraît-il, lourdement chargé au départ de Bâle. S'il n'emportait que deux passagers dans la confortable cabine pourvue de huit fauteuils à dossiers réglables, on avait embarqué de lourds colis, arrimés pas très solidement, semble-t-il. D’après Henri Colin, dont le père était receveur des P.T.T. à Lure à l'époque, L’Etoile d'Argent transportait également des sacs postaux que son père alla récupérer en taxi de toute urgence, après l’accident, pour les acheminer par la voie normale. Enfin, l'avion transportait encore cinq caisses renfermant 239 kg d’or (soit 4 302 000 francs de l’époque) et quatre chamois que le jardin zoologique de Bâle envoyait à Londres (l’un blessé fut achevé sur place, les autres s’enfuirent).
 
En ce qui concerne la situation météorologique générale qui régnait ce jour-là, il semble que la région parisienne était bien dégagée ce qui rendait la fin du voyage sûre. Par contre, l'Est de la France devait être recouvert, comme cela arrive souvent à cette période de l'année, d'une épaisse couche de brouillard. Enfin, n’oublions pas l'altitude la colline d’Etobon qui est de 575 mètres.
Connaissant toutes ces données, on imagine le grand trimoteur s'élevant avec peine dans le brouillard givrant, n'arrivant pas à sortir de la couche opaque, ses capacités ascensionnelles disparaissant peu à peu, et pire, les hélices vraisemblablement transformées en « manches de pioche » comme disent les pilotes chevronnés, s'emballant sans entraîner l'avion qui finalement s'écroule dans les arbres...
Dans son roman « Vent de sable », Joseph Kessel relate les derniers instants d'un autre équipage perdu dans la brume nocturne entre Agadir et Casablanca.
Dans l'accident du 31 octobre 1933, ce sont deux occupants de la cabine qui furent tués : le radio Camille Suply et un passager le docteur Werner Spoeri (pharmacien à Einsideln en Suisse écrit Michel Bregnard).

  «  Le 31 octobre 1933, un fort brouillard enveloppait tout depuis le matin. Il était 10 h 15, on entend un avion. Il était très bas à en juger par le bruit des moteurs. Ce bruit a semblé anormal. L’avion se dirigeait contre le château. Un sentiment d’angoisse saisit plusieurs personnes : ‟ Il va toucher le château ».” A peine cette pensée formulée qu’un craquement épouvantable retentit : Ca y est. Vite, on court. Au sommet du château, juste où était l’entrée du fossé, on voit dans le brouillard une aile sur deux hêtres, puis une dizaine d’arbres fauchés, coupés au milieu, déracinés. On avance et on découvre le corps du docteur suisse sous un vêtement et l’aile gauche de l’avion qui est tombé à droite. On voit un groupe de personnes qui entourent le pilote blessé. Il vient de revenir à lui. Il a une cuisse cassée. Un peu plus loin est le corps du radio. Quatre chamois sont parmi les débris. »
Ce texte est signé Jules-Henri Perret, le forgeron d’Etobon. Possesseur d’un appareil photo depuis 1929, il a rédigé une chronique de la vie de son village illustrée de ses nombreux clichés, ce jusqu’en 1938.

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Une page du journal de Jules-Henri Perret relatant la catastrophe - collection Christian Suply


Il a été dit à l’époque que ces malheureux furent tués par des colis pondéreux qui les écrasèrent. Gaston Lafannechère, le pilote, est décédé à la fin des années soixante-dix sans donner plus de précisions.

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Dès novembre 1933, les Amis du château décidèrent d’élever un monument à l’endroit de l’accident. Jules-Henri Perret posa la plaque de bronze  le 30 octobre 1934 et l’inauguration eu lieu le 11 novembre 1934. On peut lire sur ce  petit monument fait d'une pierre du pays : « A la mémoire de Camille Suply radiotélégraphiste et du docteur Werner Spoeri passager de l'Etoile d'Argent, avion postal F. AJMI de la ligne Paris-Bâle qui, naviguant dans la brume, percuta en ce lieu le 31 octobre 1933. »


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Promeneurs, si vous allez vous recueillir devant les plaques qui rappellent le sacrifice de 39 hommes d'Etobon fusillés par les nazis en 1944, ne manquez pas non plus de gravir la colline où moururent deux hommes qui avaient foi en leur mission.
 

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Une des photos de Jules-Henri Perret (collection Christian Suply) avec cette légende du photographe :  « Voici le transport du corps de Camille Suply. Il est recouvert par une housse de moteur. C’est une toute petite blessure à la tempe gauche qui a dû le tuer … Les corps du docteur Spoeri et de Suply déposés à l’école des filles, ils dorment en Paix et en Fraternité. M Vandres de l’aéro-club de Belfort est venu avec une belle couronne. Les femmes d’Etobon ont apporté beaucoup de fleurs déjà le premier soir mais le lendemain, c’était bien autre chose. La photo en témoigne … »

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Collection Alain Banach


CAMILLE SUPLY

Christian Suply parle avec émotion de ce grand-père, pionnier de l’aéropostale dans les années 30, qui reste présent comme un modèle de courage.
Il a pu
a pu récupérer à Etobon des pièces de l’avion, du tissu d’entoilage et un petit Lavabo en aluminium. En revanche le manche à balai est resté en possession de la famille Perret (Photo ci-dessous collection Christian Suply).

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Camille Suply, qui comptait 3630 heures de vol – dont 540 de nuit – fut cité à l’ordre de la Nation et La légion d’honneur lui sera décernée à titre posthume.
 
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On le voit ici le 7 octobre 1933 lors de l'inauguration de La compagnie Air France par le ministre de l’Air Pierre Cot qui passe en revue le personnel navigant (Photo extraite d’une vidéo du site du musée d’Air France - collection Christian Suply).Camille Suply trouvera donc la mort peu de temps après, le 31 octobre 1933, lors du dernier vol retour vers le Bourget avant la trêve d’hiver. Son fils, le père de Christian, devint donc le premier pupille d’Air France, et accèdera de droit à la formation des mécaniciens d’aviation de Rochefort, pour travailler ensuite à La Snecma, Hispano Suiza.

Contacts avec Christian Suply des 28, 29 et 30 décembre 2012

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Le panorama sur Belfort depuis la colline d'Etobon
 
Tag(s) : #Histoire locale
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