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Un curé d'autrefois

Le curé Louis-Georges Gaillard, curé à Champagney de 1919 à 1943

Où l'on comprendra que ce fut un personnage hors du commun

Le curé Gaillard entouré des communiants dans le jardin de la cure le 19 juillet 1925. De gauche à droite et de haut en bas : Marie Caritey, Eugénie Baumgartner, Jeanne Thomassey, Marie-Louise Jurin, ?, André Boffy, Jeanne Cassaigne (Mme Fernande Frechin), Simone Novier, le curé Gaillard, Huguette Sarre, René Guyot, Lucien André, Marie Thomassey, Edmée Castel, Jules Stenneler, Henriette Mathey, Andrée Jeanparis.

Le curé Gaillard entouré des communiants dans le jardin de la cure le 19 juillet 1925. De gauche à droite et de haut en bas : Marie Caritey, Eugénie Baumgartner, Jeanne Thomassey, Marie-Louise Jurin, ?, André Boffy, Jeanne Cassaigne (Mme Fernande Frechin), Simone Novier, le curé Gaillard, Huguette Sarre, René Guyot, Lucien André, Marie Thomassey, Edmée Castel, Jules Stenneler, Henriette Mathey, Andrée Jeanparis.

Autrefois l’Eglise et la vie religieuse avaient une très grande importance tant sur l’existence de chacun que sur la vie du village. Cet état de fait, héritage des siècles passés, ne peut être facilement compris des nouvelles générations. La naissance, le baptême, les communions, le mariage, la mort, toutes ces étapes étant d’abord d’incontournables moments religieux prolongés d’une suite profane : repas, fêtes, cadeaux et traditions aux variantes multiples.

Le curé est donc depuis toujours un personnage clé de la vie collective. Si en plus il a une forte personnalité, des dons, à fortiori s’il sort carrément de l’ordinaire, son rôle dans l’histoire de la cité n’en sera que plus fort et sa mémoire plus vivace.

C’est le cas pour deux curés de Champagney qui s’y sont succédés : deux pasteurs, pourtant tellement dissemblables et aux personnalités opposées, que les survivants de leur troupeau en parlent toujours avec passion. Il s’agit des curés Gaillard et Jeanblanc.

 

Avant de poursuivre il nous faut évoquer leurs prédécesseurs du début du siècle. En 1900, le curé de Champagney est l’abbé Antoine Parisot, décédé en 1909 à l’âge de soixante‑deux ans. Son successeur, le curé Monniot s’en ira en 1919. C’est le chanoine Louis Gaillard qui le remplace. Celui‑ci quittera notre village le 31 août 1943, laissant, comme nous le verrons, les esprits et les pierres fortement marqués par son empreinte spirituelle et matérielle. Le premier octobre de la même année, arrive le curé Joseph Jeanblanc, autre personnage de roman, mais bien vivant quant à lui (bon vivant diront certains). Il sera le prêtre des heures sombres, mais pas seulement puisqu’il partira en 1959 pour une dernière paroisse du Doubs, Mouthier-Haute-Pierre. (Voir l’article consacré à l’abbé Jeanblanc).

 L’ « association Jeanne d’Arc » et l’abbé Monnniot (à gauche), curé de Champagney de 1909 à 1919. Sur cette photo prise devant la porte de la cure on reconnaît, de gauche à droite Assis : Jules Didier, Pierre Barachin, Simonin « Toto », Spielmann, Cardot. Au milieu : l’abbé Monniot, Laurent Marchand, Paul Jurot, Henri Péroz, Eugène Despoire, Paul Gouhenant, l’abbé Tournoux, Emile Mathey. En haut : Louis André, Prosper Wissler, Marius Hofmann, Auguste Mathey, Paul Simonin « Crélotte ».

L’ « association Jeanne d’Arc » et l’abbé Monnniot (à gauche), curé de Champagney de 1909 à 1919. Sur cette photo prise devant la porte de la cure on reconnaît, de gauche à droite Assis : Jules Didier, Pierre Barachin, Simonin « Toto », Spielmann, Cardot. Au milieu : l’abbé Monniot, Laurent Marchand, Paul Jurot, Henri Péroz, Eugène Despoire, Paul Gouhenant, l’abbé Tournoux, Emile Mathey. En haut : Louis André, Prosper Wissler, Marius Hofmann, Auguste Mathey, Paul Simonin « Crélotte ».

Le curé Gaillard était un petit homme très vif, au visage allongé avec un grand nez et un crâne dégarni. Ce fils d’instituteur du Haut‑Doubs, très intelligent, excellent musicien, était polyvalent. Ses nombreuses réalisations le prouvent, elles sont la preuve aussi d’un caractère obstiné. Le curé Gaillard, avec toujours plusieurs fers au feu, réussit ce qu’il entreprend. Son bilan, digne de celui d’un élu, mais dans un domaine spécifique qu’il a élargi, est éloquent : rénovation de vitraux à l’église, des bancs, installation de la porte‑tambour, électrification des cloches, création d’un carillon, agrandissement de la salle Jeanne d’Arc, construction de la chapelle Sainte‑Pauline, achat de la cure puis de la future maison des soeurs. Dans le domaine spirituel et plus largement culturel et social, à côté d’un classique patronage qu’il développe au point de concurrencer les structures laïques, il lance de multiples activités : une section sportive « l’Alerte » où l’on fait de la gymnastique puis du foot et une section théâtrale. Ces différentes structures touchent un large public d’enfants, d’adolescents et d’adultes. On dirait aujourd’hui que le curé Gaillard sait occuper le terrain.

Champagney - le curé Gaillard

Car il ne faut pas se leurrer à cette époque le curé, et particulièrement celui‑là, a un rôle politique. Ceci est d’autant plus vrai à Champagney, cité réputée de gauche (réputation non usurpée !). Ainsi un antagonisme larvé existe bien entre le locataire de l’église et les élus socialistes ou radicaux des années vingt et trente. Déjà en 1905, année de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, certains catholiques fervents de Champagney craignirent une réaction brutale de l’équipe du maire Jules Décey à l’encontre de leur curé. Une contre‑offensive était prête en cas d’expulsion de l’abbé Parisot. Rien de méchant n’eut lieu, mais l’anecdote restitue une ambiance révolue et qui peut sembler désuète. Pourtant à l’époque ces tensions, comme nous le verrons, ne faisaient pas rire (ou pas seulement), mais elles n’empêchaient pas le curé Gaillard, contrairement à ses prédécesseurs, de solliciter le conseil Municipal ou de prendre des initiatives.

Par exemple, il écrit au conseil municipal le huit août 1920 pour solliciter des réparations à son église. On lui répond que le budget grevé de la commune ne le permet pas. Il comprend vite que, d’une manière générale , il n’obtiendra pas grand chose. Ceci explique peut‑être le fait qu’il fit tant par lui‑même ...

A l’inauguration du monument aux morts en 1922, il refuse de se joindre aux officiels et assiste à la cérémonie mêlé à la population. Les élus n’apprécieront pas...

 

Le 12 septembre 1922, jour de l'inauguration du monument aux morts, on reconnaît le curé Gaillard - petit et chauve - juste devant la tribune des officiels.

Le 12 septembre 1922, jour de l'inauguration du monument aux morts, on reconnaît le curé Gaillard - petit et chauve - juste devant la tribune des officiels.

L’antagonisme culmine en 1927 avec « l’affaire du presbytère ». Le 27 février l’équipe municipale emportée par son Maire Hippolyte Simonin, décide de ne pas renouveler le bail du presbytère au curé Gaillard : « … Le conseil décide d’informer Mr le Curé qu’il pourra rester momentanément dans le presbytère. » Quelle mouche les a donc piqués pour ouvrir ainsi les hostilités ? Le fait d’avoir un tel curé : dynamique, autoritaire, entreprenant, politique ? Quoiqu’il en soit la décision ne semble guère sérieuse. C’est une façon finalement de contrarier l’adversaire car, entre temps, on se contente d’augmenter le bail du locataire de la cure. Ce dernier, évidemment, refuse l’augmentation et le jeu continue. Le trois juillet le maire décide d’intenter une action contre le curé. Dans son bulletin paroissial d’août 1927, le curé Gaillard informe ses paroissiens de l’affaire : « Le conseil municipal a désigné M Simonin, Maire, pour représenter la commune dans une action à intenter contre M le Curé qui refuse l’augmentation du loyer de la cure. Le Curé qui refuse … Pardon. Le refus n’est pas de moi, mais de Mgr l’Archevêque. Je n’ai d’ailleurs rien à refuser, ni accepter, puisque ce n’est pas moi qui paie, mais les paroissiens … Faire de la cure une maison de rapport et du curé un locataire ordinaire est une méprise qui ne tient pas debout … » A la fin de l’année l’affaire est terminée, l’abbé a versé 795 francs pour la première fois et écrit : « J’ai lieu de croire que mes paroissiens me sauront bon gré d’avoir terminé cette affaire pour leur plus grand bien spirituel, en leur évitant ainsi la supression du culte à Champagney, but visé par les adversaires. Quand on leur parlera désormais de l’intolérance de l’Eglise, ils sauront de quel côté est l’intransigeance et de quel côté est l’esprit de conciliation. » (bulletin paroissial de décembre 1927). On se croirait réellement au début du XXème siècle.

 

Le presbytère sur une carte postale vers 1900

Le presbytère sur une carte postale vers 1900

Les communiantes, le 19 juillet 1925, avec leur famille. De gauche à droite :  1er rang en bas : Jeanne Cassaigne, Edmée Castel, Marie Castel (née Finck), sur ses genoux Colette Castel, Madeleine Thomassey, devant elle Odile Thomassey, Eugénie André, « Nénette » Pezet de la Bouverie,  Fanny Gillet de Sous-les-Chênes, Suzanne (ou Madeleine) Carré, derrière Marguerite Stiquel, Jeanne Pautot de La Passée, derrière ?, Madeleine (ou suzanne) Carré  2ème rang : Abel castel et Bernard sur ses épaules, Hugon (renouvelante) du Pied-des-Côtes, Marie Thomassey de Sous-les-Chênes,  mère de Marie Caritey ?, Mme Thomassey ?, Jeanne Thomassey, Maria Mathey, Huguette Sarre, Henriette Mathey, Lucie Mathey, ? , Madeleine Richard née Jeanparis de la Bouverie, Andrée Jeanparis, derrière à droite une dame célibataire qui tenait l’harmonium et dirigeait la chorale En haut : Marie Caritey (renouvelante) du Pied-des-Côtes,  Marie Baumgartner, Eugénie Baumgartner, Eugénie Baumgartner, Marie-Louise Jurin du Pied-des-Côtes, Mme Jurin et son fils, Augustine André

Les communiantes, le 19 juillet 1925, avec leur famille. De gauche à droite : 1er rang en bas : Jeanne Cassaigne, Edmée Castel, Marie Castel (née Finck), sur ses genoux Colette Castel, Madeleine Thomassey, devant elle Odile Thomassey, Eugénie André, « Nénette » Pezet de la Bouverie, Fanny Gillet de Sous-les-Chênes, Suzanne (ou Madeleine) Carré, derrière Marguerite Stiquel, Jeanne Pautot de La Passée, derrière ?, Madeleine (ou suzanne) Carré 2ème rang : Abel castel et Bernard sur ses épaules, Hugon (renouvelante) du Pied-des-Côtes, Marie Thomassey de Sous-les-Chênes, mère de Marie Caritey ?, Mme Thomassey ?, Jeanne Thomassey, Maria Mathey, Huguette Sarre, Henriette Mathey, Lucie Mathey, ? , Madeleine Richard née Jeanparis de la Bouverie, Andrée Jeanparis, derrière à droite une dame célibataire qui tenait l’harmonium et dirigeait la chorale En haut : Marie Caritey (renouvelante) du Pied-des-Côtes, Marie Baumgartner, Eugénie Baumgartner, Eugénie Baumgartner, Marie-Louise Jurin du Pied-des-Côtes, Mme Jurin et son fils, Augustine André

En avril 1934, le conseil municipal qui s’est habitué à l’homme et sait qu’il est capable de prouesses (à cette date son bilan est conséquent), l’autorise à faire les réparations qu’il jugera nécessaire à l’intérieur de l’église, en précisant avec malice « sous sa responsabilité et à ses frais. »

En mars 1936, le curé Gaillard écrit à nouveau au conseil municipal. Il juge le calvaire situé vers le monument aux morts très mal placé et suggère de l’ériger dans le petit terrain triangulaire au chevet de l’église. Il propose en outre de partager les frais. Le conseil refuse pourtant, arguant du fait que le terrain proposé est une place publique (Ce calvaire de 1601, plusieurs fois heurté par des véhicules à cet endroit, fut déplacé à l’occasion de l’allongement du mur du nouveau cimetière où l’on aménagea son nouvel emplacement. Ceci en 1957).

 

 Le terrain d’entente avec les élus est réduit, mais aussi avec certains paroissiens. Ce curé ne laisse personne indifférent et les souvenirs ne font pas dans la nuance : « C’était un prêtre extraordinaire, très cultivé, mélomane qui jouait admirablement de l’harmonium », « Un saint en soutane … qui circulait sur un vélo préhistorique. » Le docteur Duclerget, autre grande figure de ce Champagney (Docteur à Champagney de 1923 à 1965) disait du curé Gaillard : « C’est un érudit ». Mais un caractère entier ajouté au style et aux traditions du moment ont laissé d’autres souvenirs, ceux d’un homme dur, peu diplomate, cassant, dogmatique à l’excès. Par exemple, manquer le catéchisme pouvait entraîner un conflit aboutissant à une rupture entre la famille et le curé. Quelquefois cette intransigeance arrangeait bien tel ou tel, peu porté sur la chose religieuse.

L'intérieur de l'église vers 1905 et dans les années vingt.
L'intérieur de l'église vers 1905 et dans les années vingt.

L'intérieur de l'église vers 1905 et dans les années vingt.

Le premier souvenir est d’abord celui du catéchisme. Le curé Gaillard mettait facilement à la porte les trublions qui ne manquaient pas pour certains de se dissiper à dessein. On se souvient encore de ce galopin qui enferma tout le monde avant de s’enfuir. Pour quitter la pièce il fallut passer par le logement contigu d’Abel et de Marie Castel alors concierges de la salle Jeanne d’Arc (Abel Castel était aussi sacristain).

Le curé Gaillard a encore imaginé un examen de catéchisme, un diplôme d’instruction religieuse, dont les résultats ‑ notes et mentions ‑ étaient publiés dans le bulletin paroissial. Le contenu de ce bulletin est d’ailleurs révélateur du tempérament de ce prêtre, de son action et de tout un contexte révolu. Outre des éléments traditionnels, propres à la vie religieuse du village, on y trouve de tout. Par exemple des maximes qui ne trancheraient nullement sur le tableau noir de l’école de la République : « Le travail paye, les dettes, la paresse les fait. », « Rien ne sert de prêcher la morale aux enfants, si on ne leur donne pas le bon exemple. » ou encore « Le véritable moyen d’être heureux, c’est d’aimer son devoir et d’y chercher son plaisir. » (Bulletin paroissial de février 1929). Dans le même numéro est publiée une classification des illustrés pour la jeunesse. Ainsi, « Les Belles Images » sont jugées médiocres, « L’Epatant » et « Le Petit Illustré » sont dits « franchement mauvais » , « La semaine de Suzette » est considérée comme bonne. Dans le bulletin de février 1929 est publiée une « Causerie sur la grève » peu faite pour arrondir les angles dans ce pays industrialisé : « …La grève, est‑elle avantageuse ? Non à coup sûr ... Il faudrait bien du temps pour rattraper les salaires perdues … »

Chaque numéro débute par un éditorial signé du curé Gaillard. Celui daté de novembre 1936 est édifiant, c’est l’affolement après la victoire du Front Populaire (Voir le chapitre « 1936, Idéaux et Amertume »), dans celui de mars 1934, on peut lire sous le titre « Aux hommes de ma paroisse » : « Faire ses Pâques, cela vaut mieux que de faire de la politique … »

Cette publication s’adresse à des convaincus, car depuis très longtemps, le contexte de toute cette période est celui de la division entre Rouges et Blancs. Les catholiques dévoués sont nombreux et les réussites de l’abbé Gaillard prouvent leur investissement moral et matériel et leur dynamisme.

L’abbé écrit beaucoup et sur tous les sujets. L’évolution de la société et des moeurs est un souci : « Femmes aux cheveux coupés, comme vous étiez  belles, avant qu’un coiffeur inhumain, invoquant les décrets d’une nouvelle mode – mais poussés par l’appât du gain – osât porter sur vous une main criminelle. » (Bulletin paroissial d’août 1927).

En matière purement religieuse, des phrases telles que « Parents, élevez les enfants dans la crainte et l’amour de Dieu » (août 1927) sont caractéristiques de l’Eglise d’alors, c’est le même enfer que celui sculpté sur la porte des cathédrales qui est promis, quant à : « Un catholique n’est pas un homme qui va à la messe, mais un homme qui se laisse diriger par son curé. ». " Il laisse augurer une docilité périmée mais dont il ne faut pas sourire car tous ces éléments ne doivent pas, encore une fois, être sortis de leur contexte où politique, culture, Eglise et société sont intimement liés. Un contexte qui admet fort bien, par exemple, et c’est significatif, qu’un banc à l’église soit réservé aux notables des Houillères.

Le curé Gaillard poursuit ce travail d’éducation à une certaine morale par toutes les activités qu’il crée au fil des années et particulièrement par des causeries sur des thèmes de société, qui ont lieu le jeudi soir. Une quinzaine de jeunes garçons se réunissent et ces débats sont préparés et animés par des plus âgés comme Gaston Thomassey et Paul Lambert.

L'église vers 1908

L'église vers 1908

Donc arrivé juste après la guerre, le curé Gaillard met rapidement en place des structures parallèles au catéchisme : la jeunesse catholique féminine appelé ensuite « Cercle St Cécile », la jeunesse catholique des garçons et la société de gymnastique « l’Alerte » créée en 1927. En 1923 est lancé un appel pour le groupement des filles : « Toutes les jeunes filles qui ont à cœur de rester sérieuses et chrétiennes … doivent avoir à cœur d’en faire partie. Aucun bien sérieux ne se fait que par le groupement. » (Bulletin paroissial de novembre 1923). Les réunions ont lieu le dimanche après les vêpres. Des chants, des jeux sont organisés à la salle Jeanne d’Arc où une scène permet de faire du théâtre. Dans le même bulletin on trouve un compte rendu d’activités : « Les trois et quatre novembre (1923) ... nos jeunes gens ont donné à leur tour deux séances récréatives, avec l’entrain et le succès ordinaires. Je devrais dire plus qu’ordinaire, car la préparation dut être enlevée en quelques jours  étant donné le départ prochain de plusieurs acteurs au régiment. La pièce maîtresse, " Les deux devoirs ", offrait une belle intrigue : l’amour filial aux prises avec l’amour de la Patrie et cela chez un jeune officier. »

En Juin 1927, quarante filles sont inscrites au cercle. En ce qui concerne les réalisations matérielles, c’est à l’aide de nombreuses souscriptions que l’abbé réussit des poiges. Les personnes motivées portent des enveloppes et n’hésitent pas à solliciter tous les paroissiens, même ceux qui ne fréquentent guère l’église : « Qu’est‑ce que tu veux encore ? », « Il te paie combien ton curé ? »

 

« Les filles » du curé Gaillard. A l’issue d’une représentation du Mystère de Sainte Cécile en 1924, tout le monde est réuni dans la cour du presbytère. De gauche à droite : -	En haut : Antoinette Hambert, Eugénie André, Marie Cordier, Madeleine Genin -	Debout : Jeanne Thomassey, Thérèse Hambert, Georgette Syriès, Augustine André, Madeleine Hambert, Georgette André -	Assises : Edmée Castel, Hélène Démésy

« Les filles » du curé Gaillard. A l’issue d’une représentation du Mystère de Sainte Cécile en 1924, tout le monde est réuni dans la cour du presbytère. De gauche à droite : - En haut : Antoinette Hambert, Eugénie André, Marie Cordier, Madeleine Genin - Debout : Jeanne Thomassey, Thérèse Hambert, Georgette Syriès, Augustine André, Madeleine Hambert, Georgette André - Assises : Edmée Castel, Hélène Démésy

En 1923 quatre baies de verre blanc sont remplacées par des vitraux neufs, quatre grisailles « aux couleurs délicates et chatoyantes »" écrit notre curé. Ce sont des peintres verriers de Besançon, Prétot et Berthoz, qui effectuent le travail. A la fin de l’année un grillage neuf a été remis aux quatorze fenêtres de l’église et la souscription pour l’ensemble a rapporté 2926 francs. Il reste à trouver 2780,50 francs.

 

En août 1927 une souscription est en route pour l’installation de portes‑tambours. A la même date, l’argent récolté dans les hameaux sera destiné aux travaux d’aménagement de la chapelle Sainte‑Pauline à La Piotnaz. (La chapelle, construite en 1925, était une baraque en bois située sur le site de l’actuelle maison Paoli, donc de l’autre côté de la route nationale par rapport à son emplacement actuel. A origine il s’agissait des écuries du docteur des houillères Corriez).

Le 20 novembre 1927, jour de la Sainte‑Cécile a lieu l’inauguration de la troisième tranche des travaux d’agrandissement de la salle Jeanne d’Arc avec la participation de l’harmonie des Houillères de Ronchamp. « ... Après la messe, on se met en marche, musique en tête, pour le local des œuvres singulièrement agrandi … Derrière l’harminie défile notre Alerte qui s’exhibe pour la première fois … La foule suit, curieuse et sympathique. Bientôt les locaux sont envahis, polace est marquée pour chacun, ordre parfait. M le Curé rappelle l’origine du local, élevé sous M Monniot par les soins de la société civile des maisons Burcey. » (bulletin paroissial décembre 1927). Les jeunes garçons de l’Alerte effectuent des mouvements d’ensemble et des exercices aux appareils et on fait l’éloge des moniteurs Didier et Mathey, ainsi que du président des jeunesses catholiques Monsieur Thomassey.

En mars 1934 est lancée une souscription en vue d’installer un plancher sous les bancs de l’église : « ... l’hiver, surtout , le pavé, n’est pas chaud ... l’opération nécessitera un certain remaniement des bancs eux-mêmes … ce dont personne ne se plaindra, car il faut avouer qu’ils sont singulièrement incommodes. » écrit l’abbé.

 

En 1910, Eugène Mozer monte au clocher prendre quelques photos. Sur la première, on voit le presbytère. Sur l’autre on distingue très bien la salle Jeanne d’Arc tronquée puisque largement agrandie en 1927, l’ «Hôtel des voyageurs» repris par Louis Helle en 1927, la « Cour des miracles ».
En 1910, Eugène Mozer monte au clocher prendre quelques photos. Sur la première, on voit le presbytère. Sur l’autre on distingue très bien la salle Jeanne d’Arc tronquée puisque largement agrandie en 1927, l’ «Hôtel des voyageurs» repris par Louis Helle en 1927, la « Cour des miracles ».

En 1910, Eugène Mozer monte au clocher prendre quelques photos. Sur la première, on voit le presbytère. Sur l’autre on distingue très bien la salle Jeanne d’Arc tronquée puisque largement agrandie en 1927, l’ «Hôtel des voyageurs» repris par Louis Helle en 1927, la « Cour des miracles ».

Mais le clou du ministère du curé Gaillard est double. Sur le plan religieux, il s’agit d’une magistrale création théâtrale de la Passion du Christ montée à Pâques 1928. A cette occasion il a donné toute la mesure de son talent, tant au niveau de l’écriture et de la mise en scène de cette pièce, que dans la direction des acteurs amateurs et de la promotion du spectacle. Le succès fut à la hauteur de l’énergie dépensée : des services spéciaux du tacot furent mis en place pour acheminer les spectateurs venus de partout, il en vint de la région de Belfort et même d’Alsace. Des dizaines de Champagnerots de tous âges furent mobilisés et la pièce fut jouée plusieurs semaines de suite.

Cette épopée est symbolique du curé Gaillard qui, outre son goût pour la culture et le beau, réussit là une oeuvre mystique et populaire dans le droit fil des mystères du Moyen‑Age destinés à éveiller la foi des humbles.

On imagine sa satisfaction de ce succès total, en songeant à ses déboires que nous avons évoqués, lorsqu’il trône au centre de la photo qui réunit rassemblés sur les deux volées de marches de l’église ses acteurs et tous les paroissiens impliqués dans cette aventure.

Pâques 1928 : la représentation de la Passion jouée par de nombreux paroissiens de Champagney. Le curé Gaillard est au centre devant la porte ouverte ; devant lui, le christ était Gaston Thomassey, juste en dessous de celui-ci, la Vierge avait les traits d’Augustine André. Ponce Pilate était joué par Gaston Didier, le 2ème à gauche du Christ.

Pâques 1928 : la représentation de la Passion jouée par de nombreux paroissiens de Champagney. Le curé Gaillard est au centre devant la porte ouverte ; devant lui, le christ était Gaston Thomassey, juste en dessous de celui-ci, la Vierge avait les traits d’Augustine André. Ponce Pilate était joué par Gaston Didier, le 2ème à gauche du Christ.

Sur un plan plus largement culturel, l’autre coup de maître du curé Gaillard est le carillon qu’il voulut dans son église. Cet instrument de vingt‑et‑une cloches, fondu par Paccard d’Annecy, fut inauguré en 1929. (Au clavier manuel à l’origine, le carillon sera endommagé en 1944, puis électrifié en 1962. Rendu muet suite à un orage en 1975, il fut entièrement remanié - cloches refondues par Paccard - et c’est un instrument de 32 cloches qui fut inauguré en 1985). Cette volonté s’explique aisément par son goût de la musique. Fin musicien, il découvrit et encouragea le talent de Roger Campredon, enfant doué pour cet art (Roger Campredon sera un familier du carillon de 1929 et deviendra le maître-carillonneur de l’instrument de 1985).

Carte postale du carillon de 1929
Carte postale du carillon de 1929

Carte postale du carillon de 1929

 

Au printemps 1930, le maire Marcel Labbaye visite le presbytère et l’église où des travaux sont envisagés. A cette occasion est évoquée avec le curé Gaillard, pour la première fois, la possibilité d’une vente de la cure. Au mois de septembre, la mairie empressée, a décidé la vente du bâtiment à l’assemblée diocésaine pour 45 000 francs. Le curé propose 15 000 francs et bloque les opérations. Finalement le presbytère sera vendu en mars 1931 pour la somme initialement prévue.

En novembre 1940, la municipalité reçoit du curé Gaillard, une proposition d’achat de l’ancienne école des filles. L’idée du prêtre est d’y loger des religieuses pour soigner les malades. Jusque là, les religieuses de Plancher‑Bas faisaient quelques permanences par semaine à la salle Jeanne d’Arc.

«  ... Ce bâtiment a été refusé comme école et comme bureau de poste, nécessite un entretien annuel onéreux, des réparations urgentes, de lourdes charges et aucune recette. Cette offre d’achat est une occasion inespérée. »  ( Délibérations du conseil municipal). L’affaire est conclue pour 32 500 francs et c’est ainsi que, très facilement, la mairie se dessaisira de deux édifices communaux au profit de l’Eglise. (La municipalité rachètera la « Maison des Sœurs » en 1994).

La "Maison des soeurs" vers 1910. Cette maison sera l'école communale des filles jusqu'en 1907, puis vendue à la paroisse en 1940 puis rachetée par la municipalité en 1994.

La "Maison des soeurs" vers 1910. Cette maison sera l'école communale des filles jusqu'en 1907, puis vendue à la paroisse en 1940 puis rachetée par la municipalité en 1994.

Le curé Gaillard achève son ministère à Champagney sous les tristes années de l’Occupation. Il fustige alors le marché noir, rappelle l’importance du catéchisme et déplore la faible présence de ses fidèles aux offices : «  L’église, pendant trois mois, a été presque déserte. Réveillons-nous. Venons à Vêpres, à la messe en semaine au moins une fois … » (Bulletin paroissial mars 1942). Les grandes années sont bien loin. Après vingt‑quatre années passées à Champagney il part pour Besançon, accompagné de sa gouvernante Madame Péquigney ( Auparavant, ce rôle était tenu par Joséphine Gaillard, la soeur du prêtre. Elle abandonna son métier d’institutrice pour suivre ce frère. Décédée en 1930, elle repose au cimetière‑ de ‑Champagney) où il terminera ses jours à la maison de retraite de Saint‑Ferjeux. Là,il sera l’aumônier des religieuses jusqu’à sa mort qui survient en 1949. Le curé Gaillard repose au cimetière Saint‑Claude de Besançon. Avec lui disparaît une page dynarnique de l’histoire de Champagney, une page qui déborde très largement le cadre de l’Eglise.

 

 

Du début du XXème siècle, cette image assez rare. A droite l’école des filles de l’époque, au centre de l’image la salle Jeanne d’Arc où logeait la famille d’Abel Castel, le sacristain. En 1927, le curé Gaillard agrandira la salle.

Du début du XXème siècle, cette image assez rare. A droite l’école des filles de l’époque, au centre de l’image la salle Jeanne d’Arc où logeait la famille d’Abel Castel, le sacristain. En 1927, le curé Gaillard agrandira la salle.

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